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« Pétition pour des villageois que l'on empêche de danser »

P our avoir écrit le Simple discours, Courier purgea deux mois de prison à Sainte-Pélagie d’où il sortit le 9 décembre 1821. Dans l’esprit des juges, cette semonce allait l’amener à modérer ses attaques contre la Restauration. C’était mal connaître le « bonhomme Paul » prêt à « fronder un petit » à la première occasion. Le 10 mai 1822 eut lieu l’élection du député de l’arrondissement de Loches-Chinon. Courier fut le candidat, bien malgré lui, de l’opposition contre le candidat officiel, le comte Armand de Ruzé, d’Effiat1. Sans faire campagne, Courier obtint 133 voix. Il fut raillé par le Drapeau blanc, journal légitimiste mais lui répondit avec son ironie coutumière le 23 mai dans le Courrier français.des propos du genre de ceux-ci :

J’ai pour ami tous ceux qui ne mangent pas du budget, et qui comme moi, vivent de travail. Le nombre en est grand dans ce pays et augmente tous les jours. En un mot, s’il faut vous le dire, mes amis sont ici dans le peuple ; le peuple m’aime, et savez-vous, Monsieur, ce que vaut cette amitié ? il n’y en a point de plus glorieuse ; c’est de cela qu’on flatte les rois…

Mots qui n’ont rien perdu de leur actualité en cette époque où les démagogues se bousculent en France pour tenter de séduire les électeurs.
Sur ces entrefaites, l’occasion de porter une nouvelle attaque contre le régime se présenta sous les traits d’un jeune curé qui… mais pour comprendre toute l’affaire, comme au cinéma, pratiquons un flash-back.

Azay sur Cher : l'église
Azay sur Cher : l'église

L’abbé Guerry, brave homme et habitué à ses ouailles et que celles-ci respectaient, laissait depuis toujours ses paroissiens d’Azay-sur-Cher danser le dimanche et les jours de fête religieuse, tout comme son collègue de Véretz. Sur décision de l’archevêque de Tours, il fut muté à Cormery. Son remplaçant, l’abbé Bruneau, frais sorti du séminaire et qui avait été quelques mois vicaire à Chinon était déterminé à en découdre avec le paganisme et l’irrespect de la religion. Il fut solennellement installé dans sa cure le dimanche 21 octobre 1821. Les rapports entre la commune et lui se dégradèrent vite. Une nuit, on chanta sous sa fenêtre des chansons à ne pas mettre dans toutes les oreilles. Il s’en offusqua et, mesure de rétorsion, demanda au préfet que soit interdite la danse le dimanche. Le représentant du roi d’obtempérer et la maréchaussée de se faire omniprésente, au risque de mécontenter toute la communauté du village. On imagine la chaude ambiance dans la paroisse.
Courier tire bénéfice de la situation et dénonce cette mesure avec une férocité de velours qui lui permettra finalement d’échapper à toute poursuite judiciaire mais non aux tracas et persécutions ; pendant une de ses absences, la police passe au peigne fin la Chavonnière, en présence d’Herminie, pour confisquer les exemplaires qui s’y trouveraient de la Pétition pour des villageois qu’on empêche de danser sortie des presses mi-juillet 1822. Menacé d’une sanction pire que celle infligée lors de son précédent procès (13 mois de prison et 3000 francs d’amende !), Courier s’en tirera bien : le 26 novembre 1822, les juges ne trouveront aucun motif de poursuite à ce pamphlet et il sera relaxé.
Cela enhardira Courier. Il se remettra à allumer une autre bombe contre la religion, bombe qui explosera le 6 février 1823 avec la 2e lettre aux anonymes.
Il y a fort à penser que Courier avait décidé de porter ses coups les plus durs contre l’Église qui se permettait de donner sur tout son avis, prétendait régir la vie du peuple de tous les jours, qui consacrait l’essentiel de ses activités au labeur quotidien et prenait plaisir à danser aux fêtes et assemblées ou à se retrouver dans les cabarets sans pour autant penser à mal.
Dans les premières éditions le titre intégral de ce pamphlet est Pétition à la chambre des députés pour des villageois que l’on empêche de danser. Il faut voir dans cette formulation le rappel de la Pétition aux deux chambres puisqu’il s’agit de la vie ordinaire des gens « qui ne mangent pas du budget ». Car, à la différence de la précédente, Courier ne fit jamais remettre cette « pétition » aux parlementaires pour une raison toute simple : il ne se préoccupait plus à cette époque que des réactions de l’opinion publique à ses brûlots antidynastiques ou contre la religion et savait la Chambre résolument hostile à tout ce qui pensait mal.



[1] Armand de Ruzé comte d’Effiat était né le 6 septembre 1780. A cette époque, il était maire de Chinon, la cité natale de Rabelais. Il remporta le scrutin du 10 mai 1822 avec 222 voix sur les 380 que comptait le collège électoral.  Note1

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