Paul-Louis Courier

épistolier, pamphlétaire, helléniste
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prec A M Haxo - 2 février 1808 [sans mention] [Sans mention] de Florence - février 1808 Suiv

Florence février 18081

Madame,

D Marianna Dionigi Marianna Dionigi (1756-1826) e Rome, en vous quittant, je vins ici, puis j'allai à Milan, de Milan à Vérone, et de Vérone ici, où j'ai enfin trouvé le moment de vous écrire.
Maintenant je ne saurais vous dire sur quel grand chemin je serai quand vous recevrez cette lettre ; mais quelque part que je sois, il se passe peu d'heures que je ne pense à vous, et comptez qu'à l'instant où vous lisez ceci, je me rappelle toutes vos bontés.
Vous jugez bien, Madame, que dans ces continuelles courses, si j'ai eu le temps de lire, comme j'ai fait, avec grand plaisir votre ouvrage2, je n'ai pu songer à le traduire. Ce n'est pas un travail à faire currente calamo3, moins encore currente scriptore4. Pour y apporter tout le soin et l'attention nécessaires, il faut du repos, il faut ne penser à autre chose. Puis, vous traduire, c'est un plaisir, et tous les plaisirs je les veux goûter à mon aise. Je m'arrêterai bientôt à Pise, à Livourne ou ailleurs, et, dès que j'aurai posé le pied quelque part, j'entrerai en fonctions comme votre interprète, et ferai de mon mieux pour transmettre à nos Français vos charmantes leçons.
J'ai vu Lamberti à Milan. Nous causâmes fort de vous ; il avait reçu vos lettres, et il voulait que je lui montrasse votre Perspective. Je l'aurais satisfait, sachant que c'était votre intention ; mais le cahier était dans ma malle, et ma malle était en chemin. Lamberti est bien à cette cour, bien logé, bien payé, bien vu-de tout le monde ; il doit être heureux, et il le mérite.
Ne tardez point trop, je vous prie, à me donner de vos nouvelles ; et si vous êtes paresseuse, comme je le crois, ne vous déplaise, faites-moi écrire par quelqu'un de vos secrétaires. C'est de tous Mademoiselle Henriette dont je lis le mieux l'écriture. Ses vers m'y ont accoutumé ; car je les lis souvent et je les montre aux gens que je veux étonner. J'espère que ses mains ne souffrent plus, et vont reprendre cette plume dont tous les traits sont divins. Si elle a composé quelque chose de nouveau, employez, je vous prie, votre autorité, pour que cela me soit envoyé.
Voudrez-vous bien, Madame, présenter mon respect à Madame Caroline5 ? Il faudrait m'étouffer si j'oubliais jamais le bon traitement qu'elle me fit à Ferentino6, Ferentino (Lazio) Ferentino (Lazio) où j'allais quêtant de porte en porte un peu de pain pour ne pas mourir, comme elle m'apparut, et comme je fus deux heures chez elle, à table jusqu'au ventre, pendant que les Excellences, Altesses, Majestés, enrageaient de faim avec Meot et quarante cuisiniers. Ce fut elle, après Dieu, qui me sauva dans cette extrême misère, per man mi prese e disse, a questa mensa sarai ancor meco7. Elle sait fort bien que tout cela ne peut sortir de ma mémoire. Permettez aussi que je me rappelle au souvenir de Monsieur Ottavio et de Monsieur votre gendre. Écrivez-moi tous ensemble ou séparément. Rome est le pays du monde que j'aime le mieux et dans Rome il n'y a point de maison qui me soit aussi chère que la vôtre.


[1] Sautelet précise Mme Dionigi comme destinataire de cette lettre et la date du 20 février.  Note1
[2] Precetti elementari sulla pittura de’paesi, en français : Traité de la perspective.  Note2
[3] Au courant de la plume.  Note3
[4] Le scribe se dépêchant.  Note4
[5] Peut-être la princesse Gaetani.  Note5
[6] Mme Dionigi possédait une propriété à Ferentino, située à quelque 75 km au sud est de Rome.  Note6
[7] Citation tirée de Petrarque, in Canzionere, Sonetto 302, que l’on peut traduire par : Elle me prit par la main et me dit : « A cette table tu seras encore avec moi. »  Note7

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