Paul-Louis Courier

épistolier, pamphlétaire, helléniste
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prec [Sans mention] de livourne - 30 juillet 1808 [Sans mention][1] [Sans mention] de Livourne - 12 septembre 1808 Suiv

Livourne le 3 septembre[2] 1808


Monsieur,

N Bon-Joseph Dacier (1742-1833) Bon-Joseph Dacier (1742-1833)
 
e sachant si je pourrai jamais mettre la dernière main à ma traduction des-deux livres de Xénophon sur la cavalerie, je prends le parti, sauf votre meilleur avis, de la publier telle qu'elle est, avec le texte revu sur tous les manuscrits de France et d'Italie, et des notes que je n'ai pas eu le temps de faire plus courtes. Le tout paraîtra sous vos auspices, si vous en agréez l'hommage. Votre amitié me fait trop d'honneur pour que je résiste à l'envie de m'en parer aux yeux du public, et mon nom a besoin du vôtre pour obtenir quelqu’attention. Je me flatte, Monsieur, que vous verrez avec bonté un essai dont le premier objet fut de vous plaire, et que je n'eusse pas même conduit au point où il est, sans les encouragements que vous m'avez donnés.
Mon dessein est de vous adresser le manuscrit, sous l'enveloppe de M. Dacier[3], secrétaire perpétuel, etc. Je prendrai des mesures pour qu'il vous parvienne franc de port, à moins que vous ne m'indiquiez vous-même une autre voie.
Permettez que j’assure ici de mon respect Madame de Sainte-Croix et Madame votre fille. Je vous prie, Monsieur, de me croire toute ma vie,

Vôtre


 

Réponse de M. de Sainte-Croix à la lettre précédente

De M. de Sainte Croix

Paris, 23 septembre 1808.
A Monsieur Courier
Commandant l’artillerie à Livourne
Italie

C Joseph-Marie de Gérando (1772-1842) Joseph-Marie de Gérando (1772-1842)
 
’est avec joie, Monsieur, que j’ai reçu de vos nouvelles, par votre lettre du 7 de ce mois. J’étais depuis longtemps fort en peine de vous, car je craignais que vous n’eussiez succombé à l’intempérie du climat, ou à quelqu’accident. Je demandais à toutes les personnes, surtout les militaires venus de Naples, s’ils vous avaient vu ou connu. Enfin votre lettre m’a tiré d’inquiétude, car je suis ravi d’apprendre que vous êtes à Livourne, en bonne santé.
J’applaudis fort au projet de mettre au jour votre traduction du traité de Xénophon sur la cavalerie ; et je suis touché de l’honneur que vous voulez bien me faire, à cette occasion. J’ai d’abord fort hésité, si je l’accepterais. Mais mon cœur l’a emporté sur mon esprit qui me donnait de bonnes raisons pour le refuser, et je crois plus considéré que le motif de votre part. je le reçois donc comme un gage de votre amitié, et je vous prie instamment de n’y parler que son langage. Vous pouvez vous adresser soit à M. de Gérando[4], mon ami, un des commissaires français, soit à M. de Révilli, préfet de Florence que je connais également, qui vous fourniront, surtout le premier, le moyen de me faire parvenir votre manuscrit. Vous voudrez bien me marquer vos arrangements pour l’impression. Notre libraire est dans un si terrible état, que je crains de ne pas trouver une librairie qui veuille s’en charger pour son compte. C’est pourtant un vrai présent pour notre littérature, et il vous importe de le publier avant que M. Gail donne son Xénophon dont l’édition touche à sa fin[5]. Continuez à vous livrer au grec et profitez du voisinage de Florence. Puissiez-vous faire quelque découverte dans sa bibliothèque[6].
M. Larcher est fort sensible à votre souvenir. Il se souvient bien, et à 82 ans, il se lève encore à 4 heures du matin pour travailler.
Madame de Sainte-Croix qui a partagé mes anxiétés sur votre sort n’est pas moins touchée des marques de votre affection pour elle. J’ai eu le malheur de perdre ma fille, le seul enfant qui me restait, et par sa mort, la valide main qui me tenait à la vie a été coupée. Ma consolation est dans quelques amis, au nombre desquels je vous mets, espérant de vous revoir et vous témoigner de vive voix les sentiments de tendre et inviolable attachement avec lesquels je suis votre très humble et obéissant serviteur.

Ste Croix

33 rue Cassette


[1] Sautelet précise « A M. de Sainte-Croix, à Paris. »  Note1
[2] Cette lettre comporte une date douteuse. Elle devrait plutôt dater du 7.  Note2
[3] Né à Valognes (Normandie), le 1er avril 1742, Bon-Joseph Dacier entreprit des études lui permettant d’accéder à la carrière ecclésiastique. Le savant Foncemagne qui se prit d’affection pour lui le persuada de renoncer à cette carrière. Celui-ci contribua à le faire admettre, le 14 juin 1772, membre associé de l’Académie des Inscriptions. Attiré par la philologie, il succéda à Dupuy au poste de secrétaire perpétuel de l’Académie en décembre 1782 ; il en rédigea les Mémoires de 1784 à 1830. Il a laissé des traductions et des ouvrages historiques. Sous la Terreur, il dut se cacher pour échapper à la guillotine encourue par ses opinions modérées. Il fut nommé conservateur des manuscrits de la Bibliothèque Nationale en 1800 et reconduit à ce poste tous les ans jusqu’en 1820, année de sa retraite. A sa mort, Letronne lui rendit un hommage public appuyé. Il fut également membre de l'Académie des Sciences morales et politiques. En compétition avec Casimir Delavigne pour le fauteuil du duc de Richelieu, il fut élu à l'Académie française le 27 juin 1822. Il y fut reçu par Villemain le 28 novembre suivant ; dans son discours de réception, celui-ci déclara notamment : « Votre réputation date déjà d’un autre siècle. […] Le recueil de vos éloges, si curieux et si variés, où figurent tour à tour tant de mérites différents, tant de célébrités étrangères et nationales, est comme une histoire dramatique et animée de la culture savante depuis un demi-siècle… » Il mourut à Paris le lundi 4 février 1833 à 90 ans passé.  Note3
[4] Né à Lyon le 27 février 1772, le baron Joseph-Marie de Gérando se destinait à l’état ecclésiastique et était sur le point d’entrer à l’Oratoire quand survint 1789. Proscrit de Lyon, il passa en Italie, lutta contre la Révolution par les armes, fut arrêté, condamné à mort et réussit à s’évader. Il se réfugia en Suisse et en Allemagne et, une fois marié, rentra en France. Il se fit connaître en 1800 par un mémoire sur Les signes et l’art de penser dans leurs rapports mutuels. Attaché au ministère de l’Intérieur, il en fut nommé secrétaire général le 5 novembre 1804 par le ministre en personne, le comte de Champagny. Commença alors pour lui une brillante carrière administrative. Il œuvra fortement en faveur de l’enseignement. Nommé à la Chambre des pairs en 1835, il mourut le 10 novembre 1842.  Note4
[5] Cette édition ne verra le jour qu’en 1815.  Note5
[6] Souhait ô combien prophétique mais que M. de Sainte-Croix n’eut pas chance de connaître, étant décédé avant « l’affaire Daphnis et Chloé ».  Note6

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