Paul-Louis Courier

épistolier, pamphlétaire, helléniste
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A Madame
Madame Marchand
Rue des Bourdonnais n° 12 Blois, 26 octobre [1812].
à Paris


Arrestation_de_malet.jpg Arrestation de Claude François de Malet
 


Ma chère cousine

J ’ai perdu mon passeport et me voilà ici arrêté et gardé à vue comme un conspirateur[1] qui s’est échappé de Paris pour n’être pas fusillé. On écrit à Paris au Ministre de la Police[2] pour savoir qui je suis et en attendant la réponse, j’enrage comme vous pouvez croire. Si vous avez quelque connaissance dans les bureaux de la Police, courez-y et faites parler pour qu’on m’expédie sur-le-champ, qu’on me laisse aller ou qu’on me pende. J’ai affaire ici à des gens qui n’entendent aucune espèce de raison. Car j’ai des papiers plus qu’il n’en faut pour montrer qui je suis. Mais tout cela ne sert de rien et je ne sais combien de temps je dois rester ici avec deux gendarmes dans ma chambre.
Je crois qu’il suffit que quelqu’un réclame pour moi auprès du Ministre et que l’ordre de me laisser aller sera expédié sur-le-champ. Si vous n’avez personne dans votre manche voyez M. Clavier, ou Leduc, ou M. Desacy[3]. Je vous embrasse.
Je demeure à l’hôtel d’Angleterre à Blois.


[1] La France se trouvait à ce moment dans la tourmente des suites de l’affaire Malet.  Note1
[2] Il s’agit de Savary.
Anne Jean Marie-René, Savary naît le 26 avril 1774 à Marcq-et-Chevrières, dans les Ardennes.
Troisième et dernier fils de Ponce Savary et Victoire Loth du Saussay, comme son père, la carrière militaire l’attire. Elle débute en 1790 avec son entrée dans le corps des cadets du régiment de Royal-Normandie. Il est affecté à l'armée du Rhin, puis d'Égypte et enfin d'Italie. Il y sert le plus souvent comme officier d'ordonnance, de Pichegru, de Jean Victor Marie Moreau et, après Campo Formio, Desaix. Après Marengo où Desaix est tué, il est chargé de porter la nouvelle à Bonaparte. Nommé aide de camp du Premier consul, il gagne sa confiance par son obéissance absolue. Il est promu colonel. René Savary prend alors le commandement d'une légion de gendarmerie d'élite spécialement destinée à la garde du Premier consul. Il reçoit conjointement celui d'une contre-police militaire affectée au contrôle et à la surveillance de toutes les autres. D'où de fréquents heurts avec Fouché.
Le 27 février 1802, il épouse Marie Charlotte Félicité de Faudoas Barbazan de Segnanville, cousine des Polignac. Le couple aura sept enfants.
Nommé général de brigade le 29 août 1803, il reçoit mission de commander l’exécution du duc d’Enghien le 21 mars 1804.
Général de division en 1805, il retrouve les champs de bataille fait toujours preuve de courage : il renseigne l'empereur sur les dispositions ennemies à Austerlitz, s'empare de la forteresse de Hamelin le 20 novembre 1806, remporte une brillante victoire sur les Russes à Ostrolenka le 16 février 1807…
Après signature de la paix de Tilsitt (8 juillet 1807), il est le représentant de la France à Saint-Pétersbourg Il s’y révèle nettement moins bon diplomate que militaire.
Il rentre à Paris en janvier 1808, est nommé duc de Rovigo et est envoyé en Espagne en mars. Il a pour mission de convaincre Charles VI et son fils Ferdinand de le suivre à Bayonne. Il s'en acquitte nettement mieux qu’en Russie. Il retourne à Madrid pour préparer l’arrivée du nouveau maître de l’Espagne Joseph Bonaparte.
L’étoile de Fouché pâlissant, le 3 juin 1810, il remplace celui-ci au poste de ministre de la Police. Sur ordre de Napoléon, il traque les opposants. Mme de Staël, Madame Récamier, la duchesse de Chevreuse en sont, entre autres, les victimes.
Malgré la prééminence de la surveillance policière sur Paris et la France, en 1812, Savary est mystifié par la tentative de coup d'État du général Claude-François de Malet le 23 octobre 1812. Il se laisse arrêter et conduire à la prison de la Force par les conjurés, sans opposer de résistance. Bien que discrédité par cette bévue, il ne perd pas la confiance de l'Empereur.
En 1814, il reste fidèle à Napoléon jusqu’à son abdication. Les Bourbons de retour, contrairement à beaucoup, il n'effectue aucune démarche pour retrouver une place.
Durant les Cent jours, il propose immédiatement ses services à Napoléon et devient inspecteur général de la gendarmerie, ce qui lui donne la direction de la police secrète.
Il désire accompagner Napoléon Ier à Sainte-Hélène mais est arrêté par les Anglais sur le Bellérophon et interné à Malte. Il s'évade au bout de sept mois. Porté sur la liste de proscription du 24 juillet 1815, il est condamné à mort par contumace depuis décembre 1816. Il ne rentre en France qu’après l'amnistie partielle de 1819. Traduit en conseil de guerre, il est acquitté et rétabli dans ses dignités mais reste inemployé jusqu'à la Révolution de juillet.
Louis-Philippe lui confie le commandement en chef des troupes d'occupation en Algérie. Résolu à pacifier le pays, il n'hésite pas devant les mesures d’une rare brutalité, par exemple le massacre de la tribu des El Ouffias le 7 avril 1832. Malade, il quitte ses fonctions en avril 1833 et meurt deux mois plus tard.  Note2
[3 ]Il faut lire [Silvestre] de Sacy.  Note3

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