Paul-Louis Courier

épistolier, pamphlétaire, helléniste
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1977

Le 5 juin 1977 se tenait en mairie de Véretz l’assemblée générale de la SAPLC. L’après-midi, l’assemblée se rendit en forêt de Larçay, devant le mémorial. Là, Gabriel Spillebout, président de la Société, prononça l’allocution suivante.

Gabriel Spillebout prononce son allocution (photo M Lecheval)
Gabriel Spillebout prononce son allocution (photo M Lecheval)
 
L’assemblée écoute l’allocution.
L’assemblée écoute l’allocution.
2e personne à gauche : Blanche Habert, propriétaire de la Chavonnière
1er homme à gauche : Raphaël Billault, trésorier fondateur
A côté de lui, Claude Morisson, maire de Larçay
 

A mis de Paul-Louis Courier,

Le dimanche 10 avril 1825, après quatre heures et demie, vêtu de cet habit noir, de cette chemise blanche, de cette éternelle cravate noire qu’avait déjà signalée le préfet de Tours, bref de ces habits que nous avons eu l’occasion de contempler à l’exposition de Tours, en 1975, Paul-Louis Courier quittait à grands pas, appuyé sur une canne, la Chavonnière où il avait passé l’après-midi assis dans ce fauteuil et à cette table que nous connaissons bien aussi.
Traversant la plaine où chantait le soleil, cheminant à l’ombre de cette forêt où il venait donner des instructions à son garde, il marcha plus d’une lieue, pour parvenir, « une heure avant le coucher du soleil » - c’est-à-dire vers les six heures – à l’endroit même où nous sommes ce soir.
Des hommes l’y attendaient, cinq sans doute ; l’un d’eux, d’un coup de pied, le jeta au sol, face à la terre ; un autre lui déchargea son fusil dans le dos – comme si ces gens craignaient de voir le regard de cet homme de plus de 53 ans qu’à cinq contre un ils avaient résolu de faire mourir – ou comme si, en leur fureur bestiale, ces assassins s’étaient refusés à tuer comme un homme cet ancien officier, cet écrivain connu de toute la France, lui réservant l’ignominie de l’abattre « comme on ne tue pas un animal » - pour reprendre la saisissante expression de M. le préfet Roche, en son hommage de 1975.
Son corps fut retrouvé, baignant dans deux flaques de sang, le lendemain en fin de matinée. Il repose au cimetière de Véretz. Sa veuve lui rendit le témoignage d’amour un peu tardif, d’élever cette stèle que la ville de Tours a naguère restaurée.

Ce n’est ni le lieu ni l’heure d’épiloguer sur cet assassinat : je vous renvoie, pour l’état de la question, au livre si riche de Louis Desternes, Paul-Louis Courier et les Bourbons.
Tout ce que je puis vous dire ce soir, c’est que cet assassinat fut un crime affreux, au sens fort du terme, c’est-à-dire qu’il provoque, chez tout homme digne de ce nom, le frisson vertigineux, l’horreur panique.
Ceux qui ont tué ici Paul-Louis Courier ne savaient certainement pas, eux non plus, ce qu’ils faisaient – ils ne savaient certainement pas quel être d'exception était leur victime ; sinon ils n’eussent point cédé aux mobiles mesquins et imbéciles qu’on a pu leur deviner.
Pour nous, qui le connaissons et qui l’aimons ; qui formons cette Société qui s’est donné pour but statutaire « d’honorer sa mémoire », nous ne sommes pas venus comme des dilettantes ou comme des touristes en ce lieu sur lequel plane « le souffle tragique de la mort des héros ».
Mais nous puiserons dans ce pèlerinage une énergie nouvelle pour continuer à servir sa personne et son œuvre – pour diffuser sans cesse plus et plus, sa pensée authentique, sans l’altérer de nos préjugés et de nos préoccupations personnelles qui sont de l’accidentel et nous éloignent de l’essentiel, mais en la faisant connaître dans toute sa vraie richesse qui est chaleureuse.
Car Paul-Louis Courier a légué à l’humanité tout entière le seul message qui fût digne d’elle et le seul qui fût digne de lui : un message humaniste, c’est-à-dire marqué de l’infini de l’espace et du temps ; un message spécifique et profondément humain, celui de l’aspiration à un idéal généreux de liberté et de respect universel de l’homme.
En nous recueillant ici, prenons mieux conscience qu’en servant sa mémoire, comme nous nous y sommes engagés, nous n’agirons pas seulement en historiens de la pensée humaine, soucieux d’en conserver le précieux héritage ; mais bien plutôt nous travaillerons, à notre échelon modeste, au bonheur des hommes.

Gabriel Spillebout, de l’Académie Septentrionale

1995

Pose de la plaque devant la Véronique

D Pose de la plaque à la Véronique
M. André Ricou, maire de Cinq-Mars, pendant son allocution
 
ans sa séance du 9 mars 1995, le Conseil municipal de Cinq-Mars-la-Pile prenait la délibération suivante placée sous la dénomination « Cérémonies Paul-Louis Courier ».

Madame Ollivier informe le Conseil d’un courrier de Monsieur et Madame Bouyé de « la Véronique » précisant le déroulement des manifestations organisées par les membres de la Société des Amis de Paul-Louis Courier :
• 13 mai, inauguration de l’exposition préparée par M. Lautman,
• 21 mai, conférence de M. Lautman et à 18 h inauguration de la plaque commémorative à « La Véronique ».

Une randonnée pédestre se déroulera entre Cinq-Mars-La-Pile et Véretz, en collaboration avec la Commune, le Club de Marche et le Syndicat d’Initiative.

Madame Ollivier présente un devis rédigé par l’entreprise GOUZY de Cinq-Mars-La-Pile, pour la plaque qui s’élève à 2 984,50 F TTC. Après avoir délibéré, le Conseil Municipal accepte ce devis et autorise Monsieur le Maire à la commander.

Fait et délibéré les jour, mois et an ci-dessus.


Le jour dit, les cérémonies se déroulèrent comme prévu en présence d’environ quatre-vingt personnes. Le point culminant de la journée fut la pose de la plaque par M. Ricou, Maire de Cinq-Mars-la-Pile, suivie du vin d’honneur servi dans la cour de la Véronique.
Parmi les personnes présentes accueillies par M. et Mme Michel Bouyé, propriétaires de la Véronique, se trouvaient M. Jean-Jacques Tatin-Gourier, Président de la SAPLC, M. Jean-Pierre Lautman, secrétaire général, Mme Solange Ducol, trésorière, Mmes Annie Spillebout, Micheline Guillon et Nadine Courier de Méré, administratrices, MM. Yves Babonaux, Robert Ducol, et Gérard Lecha, administrateurs, Maître Philippe Dubreuil-Chambardel, secrétaire général de l’Académie des sciences, arts & belles lettres de Touraine, M. Robert Naulin, Président du club de marche de Cinq-Mars, M. Jean Gouzy, futur successeur de M. Ricou comme maire de Cinq-Mars.
Ainsi fut rétablie la vérité un peu malmenée dans le passé et officialisé le lieu où vécurent Jean-Paul et Elisabeth Courier leur fils et le grand-père Laborde.

Pose de la plaque à la Véronique
M. André Ricou, maire de Cinq-Mars-la-Pile, dévoile la plaque.
 
Pose de la plaque à la Véronique
De gauche à droite,
M. Michel Bouyé, Madame Christianne Bouyé,
propriétaires de la Véronique
M. Jean-Jacques Tatin-Gourier, Président de la SAPLC
et professeur de littérature à l'Université de Tours
M. André Ricou, Maire de Cinq-Mars-la-Pile
M. Jean-Pierre Lautman, secrétaire général de la SAPLC
Mme Nadine Courier de Méré, administratrice de la SAPLC
 

Pose de la plaque à la Véronique Pose de la plaque à la Véronique Pose de la plaque à la Véronique Pose de la plaque à la Véronique



2001

En consultant notre dossier « Portraits et monuments », sous-dossier « Monuments de Véretz et Larçay », on aura pris connaissance de l’historique du Mémorial de Larçay, érigé à l’endroit où fut retrouvé le cadavre de Paul-Louis Courier au matin du 11 avril 1825.

C Jean Germain, maire de Tours, et Jean-Pierre Lautman, secrétaire général de la SAPLC, dévoilent la plaque apposée sur le cénotaphe
Jean Germain, maire de Tours,
et Jean-Pierre Lautman, secrétaire général de la SAPLC,
dévoilent la plaque apposée sur le cénotaphe
 
Cénotaphe
Jean Germain remet un second exemplaire à Jean-Pierre Lautman,
en souvenir de l’événement.

e cénotaphe pouvait paraître sibyllin aux nombreux promeneurs de la forêt de Larçay. La SAPLC que présidait alors Jean-Jacques Tatin-Gourier s’en inquiéta. Le secrétaire général fut chargé de prendre contact avec la ville de Tours, propriétaire des lieux, pour envisager de mettre en place un outil d’information d’accès clair et simple.
Le dimanche des Rameaux 8 avril 2001 étant, dans l’année, le plus proche de la date anniversaire de l’assassinat, ne put être retenu pour des questions d’opportunité ; ce fut donc la veille samedi 7 avril 2001 qu’eut lieu la cérémonie qui aboutit à l’action conjointe entreprise par la ville de Tours et la SAPLC. La première était représentée par son maire Jean Germain, la seconde, son président étant empêché, par son secrétaire général, Jean-Pierre Lautman. Il avait fort plu en début de matinée, ce qui laissait augurer le pire et incita les courageux, soit une bonne quarantaine de personnes, à faire le déplacement avec parapluies ou imperméables.
Devant l’assistance attentive, M. Lautman évoqua l’assassinat de Paul-Louis Courier et retraça l’historique du cénotaphe. Parmi l’auditoire se trouvaient Marcel Girard (1915-2006), ancien Normalien, Inspecteur Général honoraire de l’Education Nationale, humaniste, vice-président de l’Académie de Touraine et, portant sur la tête son légendaire chapeau, Jean Domec, membre haut en couleur de la société des amis de Paul-Louis Courier, érudit, incontournable figure de la réflexion relative aux dévoiements et à leurs calamiteuses retombées de l’agriculture moderne.
Sur l’une des photos d’une petite partie de l’assistance, on peut voir, de gauche à droite, Jean Germain, maire de Tours, Nadine Courier de Méré, présidente de la société depuis 2004 et Mme Odile Lautman. Derrière cette dernière, on aperçoit un homme qui joua le rôle d’un enfant dans le film de Jean Devaivre « La ferme des sept péchés ».
Le maire et le secrétaire général dévoilèrent ensuite la plaque explicative apposée sur le monument. Jean Germain offrit une plaque jumelle à Jean-Pierre Lautman (voir photo).
Un vin d’honneur fut offert sous barnum blanc à une centaine de mètres de là à tous les participants.

Plaque cénotaphe
LPlaque cénotaphe
 
Marcel Girard
Marcel Girard échange avec J.-P. Lautman
 
Jean Domec (1926-2005)
Jean Domec (1926-2005), reconnaissable à son couvre-chef,
pittoresque ami de Paul-Louis Courier,
érudit désireux de réconcilier l’homme et la nature,
opposant inlassable aux lobbies de l’agriculture intensive
et au scientisme, spécialiste de la chèvre…
Ses prises de position tranchées et visionnaires ont été regroupées
après sa disparition sur le site : sente-de-la-chevre-qui-baille.net
 
Assistance
Une partie de l'assistance pendant l'écoute des explications
données sur le monument par le secrétaire général.
De gauche à droite, Jean Germain, maire de Tours,
Nadine Courier de Méré, présidente de la SAPLC depuis 2004
et Odile Lautman, trésorière.
Derrière celle-ci, on aperçoit un homme qui,
lorsqu'il était enfant, joua dans le film de Jean Devaivre,
"la ferme des sept péchés".
 


Allocution prononcée en forêt de Larçay par M. Jean-Pierre Lautman, secrétaire général de la SAPLC à l’occasion de la pose d’une plaque sur le mémorial de Paul-Louis Courier

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Aujourd’hui, 7 avril 2001, votre présence près de ce cénotaphe dont je vous parlerai dans quelques instants est, en quelque sorte, une double reconnaissance.
D’abord reconnaissance par la ville dont je remercie le maire, Jean Germain, son adjoint aux espaces verts et au patrimoine, Mme Roux, et Alain Irlandes, directeur des relations internationales, du patrimoine et des expositions, reconnaissance par la ville donc, du rôle opiniâtre de la Société des amis de Paul-Louis Courier. Fondée en 1967 par Jean Guillon, notre Société, au milieu des années 70, attira plus de 350 adhérents. Au moment où je parle, elle en compte encore une centaine dont certains prestigieux comme la chambre des députés italienne, plusieurs universités américaines et quelques grandes écoles anglaises. Pour toutes les sociétés littéraires françaises, à de très rares exceptions près, le déclin paraît inéluctable. Pour nous, il est ralenti grâce au partenariat récent de Tours, Cinq-Mars-la-Pile et Mazières-de-Touraine et plus ancien de Saint-Pierre-des-Corps et Véretz. Je ne vous citerai pas toutes les communes d’Indre-et-Loire de première importance à la porte desquelles notre Société a frappé et qui, soit ne nous ont jamais répondu, soit nous ont poliment éconduits. Vous seriez fort surpris.
Ensuite reconnaissance de la nécessité que soient renoués les fils trop souvent rompus qui nous unissent au passé. Caparaçonnée dans la suffisance, notre époque s’imagine avoir tout inventé, tout découvert et se croit autorisée à dédaigner ce qui fut avant elle. Je le déclare tout net : il s’agit d’une aberration qu’aurait stigmatisé Paul-Louis Courier, cet « amoureux fou de l’antique » s’il avait été notre contemporain. Un peu d’humilité serait pourtant de mise ; la crise qui frappe actuellement de plein fouet le monde rural en est un exemple entre mille. Ceux qui oublient ou négligent le passé en paient, tôt ou tard, le prix fort ou, comble du cynisme, le font payer à d’autres. Pour vous persuader du bien fondé de mes paroles, regardez bien autour de vous ou relisez le passage de la Genèse qui raconte l’épisode de la Tour de Babel.

Le 10 avril 1825, jour de la Quasimodo, vers 4 heures trente de l’après-midi, Paul-Louis Courier qui travaillait sur une traduction d’Hérodote quitta la Chavonnière. Une fillette qui gardait ses chèvres et ses moutons l’aperçut. C’était la grand-mère de la deuxième célébrité littéraire de Véretz, le poète pacifiste Eugène Bizeau, disparu en avril 1989. Le petit Eugène a maintes fois entendu son aïeule raconter avoir vu M. Courier marcher vers la forêt de Larçay dont il était l’infortuné propriétaire, « avec sa figure noire et ses grosses lèvres qui marmottaient toujours ». On lui avait promis de lui remettre en mains propres des lettres écrites par sa femme, Herminie, à Pierre Dubois.
Peu avant 6 heures, au lieu dit « la Fosse-à-la-Lande » Paul-Louis retrouva, comme convenu le matin même, son garde chasse Louis Frémont. Se trouvait également là un autre de ses domestiques, Symphorien Dubois. Orchestré par Pierre Dubois, frère aîné du précédent, ancien amant d’Herminie et seule intelligence de la bande, le traquenard se refermait sur le malheureux. La rencontre tourna vite court. Paul-Louis comprit qu’il avait été attiré dans un piège. Aussi commença-t-il de rebrousser chemin. C’est alors que Symphorien, hors de lui, le rattrapa, le bouscula et hurla, à l’intention de son complice : « Tire !… Sinon ta vie est au bout ! »
Un seul coup de fusil retentit dans la forêt, produisant un long écho. Ceux qui entendirent la détonation ne furent pas surpris. Ce jour, assemblée de printemps de Saint-Avertin, après la messe, les fusils tiraient en l’air et les danseurs ou buveurs s’en donnaient à cœur joie jusqu’à la tombée du jour où jusqu’au moment où il leur fallait rentrer pour soigner leurs bêtes.
Quatre autres hommes sortirent aussitôt de leur cachette : Pierre Dubois, renvoyé de la Chavonnière en juillet 1824, Martin Boutet, François Arrault, deux journaliers de la forêt de Larçay et un inconnu coiffé d’un grand chapeau qui cachait tout ou partie de son visage. De cet inconnu, on sait peu de chose ; certains pensent qu’il s’agirait du père Dubois mais Sylvine Grivault, le principal témoin de l’assassinat, n’accrédita jamais cette hypothèse. D’autres assurent qu’il s’agit de quelqu’un d’étranger à la région. Alors qui ?
Difficile de répondre à cette question. Un seul commentaire est ici de mise : comment expliquer qu’au cours des deux procès qui jugèrent les assassins, le juge d’instruction Aquilas Hainique ne lança aucun mandat de recherche de cet inconnu ? Il reste dans cette affaire trop de zones d’ombre, trop d’interrogations pour que soit plausible la thèse de l’assassinat domestique dont on nous rebat les oreilles depuis toujours et particulièrement depuis que Roland Engerand a vulgarisé cette version.
Je ne vous ferai aucune révélation sur les instigateurs de cet acte abominable. Simplement, je voudrais troubler la belle assurance de ceux qui croient fermement à l’authenticité du crime domestique. Première question : comment admettre que la police qui surveillait Paul-Louis Courier dans tous ses déplacements à Paris comme en Touraine – et je rappelle qu’il est certain qu’elle avait placé un indicateur à la Chavonnière – ignorait ce qui se tramait ? Dans le meilleur des cas, elle savait et n’a rien fait. Il s’agirait d’un crime par omission comme il existe des fautes par omission. C’est la conviction de Jean Guillon.
Deuxième question : pourquoi avoir voulu charger Herminie Courier de tous les péchés sinon pour innocenter le pouvoir royal et ses cercles concentriques d’un crime affreux ? Dans l’inconscient collectif, cette jeune femme adultère est l’inspiratrice idéale du forfait. Conclusions hâtives, entachées d’erreur et par trop négligentes de la vérité des faits. A ce propos, je rappelle qu’avant le second procès, le juge Hainique mit Mme Courier au secret et que, faute de preuves, il la relâcha au bout de deux mois. Faisons confiance au magistrat : son zèle à trouver une preuve qui pût compromettre irréfutablement la femme de la victime dut être entier. Si pareille preuve avait existé, la cause eût été entendue. J’ajoute que tout ce que, patiemment, j’ai glané sur la famille Courier et sur ses proches, m’incite à ruiner l’implication à quelque titre que ce soit d’Herminie dans la genèse de l’assassinat. Pour ne pas allonger mon propos, je l’illustrerai d’un seul exemple : après le drame, le tuteur désigné des deux enfants Courier fut le général François-Nicolas Haxo. Ancien condisciple de Courier à l’école d’artillerie de Châlons-sur-Marne, couvert d’honneurs par Louis XVIII, Charles X puis Louis-Philippe, Haxo resta toujours lié à l’écrivain. Génie des fortifications défensives, le « Vauban du 19e siècle » n’est pas précisément connu pour avoir été un homme désinvolte ou conciliant avec les règles. Bien au contraire, il fit toujours montre d’intransigeance sur le chapitre de la rigueur morale. Est-il concevable, ne serait-ce qu’un instant, d’imaginer que cet homme sévère pût cautionner de sa notoriété la possible complicité de la femme de son ami dans l’assassinat de ce dernier ?
Je vais vous dire mon intime conviction : il s’agit d’un crime à plusieurs niveaux. Au premier, des figurants s’agitent sur la scène : nous les connaissons. Tous étaient présents ici même au moment du crime. Que ce théâtre d’ombres ne nous trompe pas ! Au second niveau, c’est-à-dire dans les coulisses, les créatures d’un puissant personnage soucieux de débarrasser la monarchie d’un irréductible opposant, observent ou facilitent le naufrage du ménage Courier. Quand l’irréparable est accompli, ils achèvent ce travail en manipulant cinq comparses dont aucun ne fut jugé coupable ! Je hasarderai un seul nom, mais quel nom : Vidocq !

Après les obsèques, Herminie Courier commanda la pierre tombale qu’on peut encore voir dans le cimetière de Véretz et ce monument. Réalisés par le même artisan, les deux ensemble lui coûtèrent 600F. Elle ne put engager cette dépense qu’au moment de quitter définitivement la Touraine à la fin 1827. Elle fit enchâsser une plaque de marbre noire sur le bloc de pierres. Pour la petite histoire, quelques jours après la mise en place de ce cénotaphe, une main anonyme écrivit à la craie sur la plaque en guise de tableau :«  Louis Frémont est l’assassin. »

Sous l’Occupation, un soldat allemand brisa cette plaque. La ville de Tours la fit remplacer par une réplique à cette différence près que la nouvelle plaque était blanche. C’est celle que vous avez sous les yeux. Passer du noir au blanc serait-il un signe du destin désireux de rappeler que si pour les uns Courier est un homme détestable, pour d’autres, il reste l’emblème de la liberté et du droit ?
J’en terminerai en évoquant l’inscription gravée à la demande d’Herminie : A la mémoire de Paul-Louis Courier assassiné en cet endroit le 10 avril 1825. Sa dépouille mortelle repose à Véretz mais ici sa dernière pensée a rejoint l’éternité. J’ai cherché ce qui pouvait avoir incité Mme Courier à opter pour pareille formule dont on peut se demander sur quel fondement elle repose. Je pense avoir trouvé la réponse dans les archives de la famille Courier publiées par Mme Geneviève-Viollet-le-Duc. Dans une lettre adressée à son épouse le jeudi 26 février 1818, Paul-Louis écrit ceci : « dois-je te répéter que mon dernier soupir et ma dernière pensée seront pour toi seule ? » J’en conclus qu’Herminie savait qu’on s’était servi d’elle pour assassiner son mari. Là gît son seul et terrible secret qu’elle emporta avec elle dans la tombe, à l’âge prématuré de 47 ans.


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