Paul-Louis Courier et le pamphlet : une symbiose littéraire
out le monde en France fait sa cour
Jean-Pierre Lautman (photo O Lautman)
Désireux d’armer les côtes en avril 1806 pour prévenir un débarquement anglais, le général Reynier qui commande les troupes d’occupation de la Calabre charge le capitaine Courier de rejoindre Tarente pour lui rapporter des canons. Après bien des péripéties, les canons tombés aux mains des Anglais, Courier comparaît le 21 juin devant son supérieur. Orageuse rencontre dont il se fait l’écho de Crotone :
J’arrive de Tarente et j’y retourne, bonheur ou malheur, je ne sais lequel. Je t’ai marqué dans une lettre que Guérin te remettra s’il ne la perd, comme on m’a reçu. Il m’a fallu livrer bataille, sans quoi on me campait sur le dos la perte des douze canons. Cela arrangeait tout le monde, si j’eusse été aussi benêt qu’à mon ordinaire. Mais j’ai refusé la charge et regimbé au grand scandale de toute la cour […]
C’est vraiment une plaisante chose à voir que cette cour et comme tout cela se guinde peu à peu. Les importants sont D… plus chéri que jamais, M… et à présent Gr… qui commence à piaffer.
Mais d’où vient donc, dis-moi ? quelque part qu’on s’arrête, en Calabre ou ailleurs, tout le monde se met à faire la révérence et voilà une cour. C’est instinct de nature. Nous naissons valetaille. Les hommes sont vils et lâches, insolents, quelques-uns par la bassesse de tous ; abhorrant la justice, le droit, l’égalité ; chacun veut être non pas maître, mais esclave favorisé. S’il n’y avait que trois hommes au monde, ils s’organiseraient.
L’un ferait la cour à l’autre, l’appellerait Monseigneur et ces deux unis forceraient le troisième à travailler pour eux…
En 1824, à l’apogée de son combat contre la Restauration, l’auteur du Pamphlet des pamphlets persiste et signe ce jugement :
Tout le monde en France fait sa cour. C’est votre art, l’art de plaire dont vous tenez école ; c’est le génie de votre nation. L’Anglais navigue, l’Arabe pille, le Grec se bat pour être libre, le Français fait la révérence et sert ou veut servir. Il mourra s’il ne sert…
Je ne suis pas assez savant pour dire si ce jugement sur les Français conserve aujourd’hui son actualité. Un seul fait doit nous occuper ici : dix-huit années se sont écoulées depuis la lettre de Crotone et Courier n’a jamais varié dans son appréciation sur le comportement de ses compatriotes.
oi qui suis mauvais courtisan
Chez Courier, la vérité anecdotique ambitionne toujours de révéler la vérité éternelle. Aussi, la récurrence présente dans sa correspondance ou ses œuvres1 à dénoncer chez les Français le désir de servir pour vivre à moins que ce ne soit l’inverse s’accorde-t-elle à condamner la flatterie. Reste qu’incriminer le flatteur n’est pas suffisant car flatteur et flatté sont les deux faces de la même fausse monnaie.
La fiction que dépeint l’exorde du Pamphlet des pamphlets ne laisse planer aucun doute : Savary consomme les artichauts à l’huile et encense Bonaparte de les manger à la croque au sel. Tous deux méritent même réprobation. Il ne peut en être autrement puisque Courier reprochait une vingtaine d’années plus tôt à Bonaparte montant sur le trône d’enterrer la Révolution, de ressusciter l’esprit de cour et d’instituer course aux brimborions2. Pour Courier, il n’y a ni maître ni esclave, ni flatté ni flatteur et celui à qui le pouvoir est confié doit l’exercer dans le respect de la liberté de chacun.
Cette constante constitue un véritable principe et par-delà celui-ci, une éthique du comportement : Courier nourrit une aversion pour les avatars et déguisements de la servilité qu’il désigne par le terme d’«ambition ». A cette dernière, il reproche simultanément de pervertir l’ordre social, corrompre la plupart des entreprises humaines et favoriser la promotion des médiocres aux dépens des meilleurs.
Ayant mis son humeur et son honneur à refuser costume de courtisan, Courier dénoncera sans cesse dans la Restauration l’époque de la fusion des noblesses dans le creuset des ambitions. Il s’en ouvre à Sigismond Viollet-le-Duc dans une lettre du 30 juillet 1813 où il affirme que l’ancienne noblesse, classe privilégiée, supérieure, distinguée3 n’a retenu qu’un enseignement de la nouvelle, résumé par deux vers de Régnier :
Faire la révérence et dans quelqu’antichambre
Le chapeau dans la main se tenir sur ses membres.
ne ligne de mire : l’exclusion
D’où vient que celui qui, professe « J’aime la liberté par instinct, par nature »4 condamne avec constance l’esprit de cour ? Sans doute cette constance naquit-elle du retentissement sur le jeune Courier de la tentative d’assassinat de février 1764 sur la personne de son père par le duc d’Olonne. Ajoutons que l’incertitude qui plane sur l’identité de celle qui le mit au monde,
qu’elle soit la duchesse d’Olonne ou Louise-Elisabeth Laborde future femme Courier, ne fut pas sans répercussion sur la singularité d’esprit de cet enfant légitimé à 5 ans. Parler de blessure psychique et donc de matrice mentale du futur pamphlétaire est permis. Renforcée par les mésaventures du grand-père maternel floué par ce même duc, cette matrice le conduira à donner de la réalité une vision systématiquement manichéenne dont voici quelques déclinaisons :
d’un côté la haute noblesse, de l’autre le peuple indifférencié. Ou d’une part, les flatteurs, de l’autre les flattés. Ou dans un lieu où souffle l’esprit ceux qui savent le grec et hors ce lieu ceux qui y sont étrangers ou dans la cité de l’écriture ceux qui, en petit nombre, possèdent la langue et extra-muros, le troupeau des ânes bâtés5.
Toute pratique d’exclusion qui touche Courier soit en tant qu’individu, soit comme membre du peuple, classe à laquelle il s’identifie6 réactive sa blessure. Aussi l’appréciation de Sainte-Beuve sur les raisons qui l’entraînèrent à descendre dans l’arène publique7 est-elle recevable à une condition : avoir conscience que le vigneron de la Chavonnière s’exprime toujours au nom des exclus dont il parle encore mieux quand il est sujet rejeté lui-même et, de ce fait, parangon des persécutés. Rejeté par le préfet dans sa prétention à voter à Tours, par les autorités de Touraine dans celle d’obtenir justice contre ceux qui ont nuitamment mutilé des baliveaux de sa forêt,
rejeté par del Furia dans sa fine connaissance de la littérature grecque, rejeté par l’Académie… Ce n’est pas hasard si le préambule de la Pétition aux deux chambres déplore les incommensurables dégâts provoqués par la révocation de l’Édit de Nantes sur le destin de la paroisse de Luynes, raccourci de celui de la France.
Quant à Louis Desternes ne commet-il pas contresens lorsqu’il affirme : « Ni par le cœur, ni par la raison, il [Courier] n’a pu atteindre à l’idée de solidarité. Il ne dépasse pas l’idée de justice. Cette idée toute négative chez lui dérive logiquement d’un égoïsme qui sait faire sa part. »8 En réalité, Courier adopte la posture du pamphlétaire9, en l’occurrence celle qui veut persuader le lecteur du bien fondé de sa cause. Il refuse d’être embrigadé10 parce que rejoindre une chapelle revient à écorner l’absolu, à ouvrir la porte aux petits accommodements qui gangrènent l’âme, dénaturent le pamphlet et, irrésistiblement, entraînent vers la perversion de la tactique.
Il y a dans la pureté couriériste un amour de l’homme rebelle à tous les systèmes et dont Albert Camus sera l’héritier fiévreux.
Identifier l’exclusion comme une catégorie permet de discerner l’unité qui habite les écrits couriéristes. Il existe une puissante mais discrète cohésion organique entre Conseils à un colonel, nombre de Lettres de France et d’Italie, la Lettre à M.Renouard, les Lettres au Censeur…11 Chaque fois qu’il est témoin ou victime d’une injustice donc d’une exclusion, Courier le clame. Cette clameur, c’est le pamphlet, le pamphlet tel qu’il l’entend.
Cette clameur s’élève durant la période militaire et dénonce la comédie qu’est l’oripeau des courtisans12 et Courier raillera en Napoléon un système qui vassalise gens et esprits.
L’exclusion hante le chapitre VI de Pantagruel13. Cette scène littéraire marque le familier lecteur de maître François qu’est Courier au point qu’il s’y réfère lorsqu’il s’en prend à l’Académie. Seulement, il retourne l’exclusion en miroir. Dans sa première phrase, alors qu’il aurait pu bonnement en trouver un autre, il utilise le participe passé du verbe exclure :
C’est avec grand chagrin, avec une douleur extrême que je me vois exclu de votre Académie, puisque enfin vous ne voulez pas de moi. Et, plus loin de s’auto-flageller sur le mode ironique en rappelant une prophétie de Jean-Paul Courier : Tu seras Paul-Louis pour tout potage…
ie de cour et étiquette : l’exclusion reine
De la biographie de Courier, nous avons isolé un élément essentiel ; de la Restauration, deux aspects nous retiendront : remise à l’honneur de la cour de France et rétablissement de l’étiquette.
Quand elle était mobile, la cour brillait déjà. La phrase qui ouvre la Princesse de Clèves affirme son faste : « La magnificence et la galanterie n’ont jamais paru en France avec tant d’éclat que dans les dernières années du règne de Henri second. »
Sous le Roi-Soleil, Versailles devient le lieu d’attraction de l’aristocratie sédentarisée et interdite de labeur. Norbert Elias a montré que l’oisiveté est une marque d’appartenance à la caste située au sommet de la société et que le luxe ostentatoire en est le seing. La vie privée n’existe pas non plus. A la cour, vie sociale et vie mondaine ne font qu’un et les rapports hommes femmes sont placés sous le signe de la galanterie. Quant à la vie du palais,
elle est soumise à une étiquette élaborée et réglée jusqu’au moindre détail. Le roi assujettit les nobles au moyen de cette dernière. Elle n’est pas simple cérémonial mais avant tout moyen du roi très-chrétien d’exercer sa domination.
Qu’est-ce qui caractérise la vie de l’homme de cour à Versailles ? Stratégie de tous les instants, vigilance perpétuelle, simulation et dissimulation, méfiance toujours en éveil, domination de ses sentiments et tentative de décrypter ceux de ses rivaux que sont les autres. Il faut être initié et d’une habileté rare pour effectuer la distinction entre l’art de la dissimulation et celui du secret14 ; subtilité oiseuse pour Courier qui, du temps de sa jeunesse prétend non de paraître heureux mais de l’être et qui, à l’âge de la maturité lance à tous les vents : La vie est un brelan où celui qui laisse voir son jeu est assuré de perdre15.
Minutieux observateur de cette « société de loups »16 qu’est la cour, La Bruyère nous en donne un saisissant tableau17.
Connaître les pensées et motivations de ceux qui l’entouraient était une préoccupation permanente de Louis XIV. Outre les délices qu’il y goûtait, ouïr récit des actions les plus intimes des uns et des autres, hommes ou femmes, renforçait sa position de monarque. Lorsqu’il se régale des confidences sur certains membres de son entourage, Louis XVIII n’agit pas autrement. S’il recula devant l’idée de s’installer à Versailles, celui-ci reste incontestablement un homme de l’Ancien Régime. Dernier roi de France à disposer de favoris,
il consacre le début de son règne au rétablissement strict de l’ancienne étiquette. A l’exemple du Grand Roi, il en use comme d’un instrument de pouvoir qui lui permet notamment d’humilier la branche cadette des Bourbons.
Dans ses Mémoires, le docteur Véron témoigne :
« On laissa sans conteste, et avec bonne grâce, la famille royale rétablir autour d’elle l’ancienne étiquette, s’entourer d’un grand maître de la garde-robe, de premiers gentilshommes de la chambre, d’un premier maître d’hôtel, créer une garde royale, créer des gardes du corps du roi, des gardes du corps de Monsieur, des gardes de la porte, des Cent-Suisses, une maison rouge. On laissa la famille royale rappeler en France des régiments suisses.
Mais les grands meneurs de la politique se réservaient la liberté de la presse, la liberté de la tribune, le suffrage direct pour les élections. Ils laissaient à la royauté toutes les magnificences de la cour, tous les vains prestiges de l’étiquette la plus pompeuse… »18
Louis XVIII et Charles X étaient veufs. De ce fait, aucune femme de leur génération n’occupa une position prépondérante. Cette situation conféra à la duchesse d’Angoulême une place centrale dans la Maison de France sous la Restauration. Écoutons à nouveau Véron :
« La figure de madame la duchesse d’Angoulême inspirait à tous un secret respect ; son mari l’aimait passionnément, son père s’inclinait devant elle ; devant elle le duc de Berry se contenait et se taisait. Le roi l’aimait comme sa fille ; il la considérait comme une victime échappée au martyre, et qui portait encore la marque du fer de ses bourreaux. La fille de Louis XVI et Marie-Antoinette tenait en quelque sorte la première place au milieu des siens… »19
Unique survivante de la famille ayant régné, « Madame Royale » symbolise le martyre de la dynastie. A ce titre, elle est sacrée aux yeux de toute l’aristocratie. Dans le protocole minutieusement élaboré qui a cour aux Tuileries du vivant de Courier, elle passe immédiatement après le comte d’Artois. Aussi, lorsque Louis XVIII reçoit, en l’absence de Monsieur, occupe-t-elle le premier rang et pénètre-t-elle dans les appartements du roi avant son propre époux.
Son éducation, la tragédie par elle subie, ont amené cette figure féminine - centrale et unique jusqu’au jour des noces du duc de Berry - à définir l’étiquette à laquelle elle-même jamais ne déroge. Quelques points sont-ils flous ? Elle donne ordre de procéder à de méticuleuses recherches pour savoir comment on agissait sous Louis XIV et réactualiser ces points. Son attitude est un modèle de soumission fétichiste aux règles de l'étiquette.
Le prouve cette scène étonnante relatée par une proche de la branche des Orléans20 . Le 16 septembre 1824, à quatre heures du matin, Louis XVIII rend l’âme ; la famille royale attend dans le cabinet attenant à la chambre du roi. En pleurs, le frère du défunt sort le premier. Marie-Thérèse se lève en proie aux larmes, son époux également chagriné lui emboîte le pas.
Elle s’apprête à quitter la pièce quand, soudain, elle s’immobilise et dit à son mari : « Passez, Monsieur le Dauphin. »
Au fil des siècles, l’étiquette est devenue une manière du pouvoir de constamment se réaffirmer. Courier se tient éloigné des mondanités, dénonce la galanterie, voie royale d’accès aux pouvoirs périphériques et méprise l’étiquette. Mais ce qui l’irrite le plus dans le décorum exhumé par la famille royale, c’est qu’il imprègne toutes les instances de pouvoir, depuis le palais royal jusqu’à la paroisse ou la commune.
Agissant comme un modèle, cette curialisation s’est diffusée dans toute la société comme les cercles concentriques de plus en plus éloignés que produit un caillou lancé dans l’eau.21
Épistolier puis pamphlétaire, Courier dénonce la cour et se moque de l’étiquette. Il avait déjà tiré quelques méchantes flèches contre Napoléon, instaurateur d’un nouvel esprit de cour et promoteur de népotisme. L’entreprise des frères de Louis XVI et de sa fille, tous trois soucieux de ressusciter un monde de revenants attire ses foudres autant que l’Empire. Il dénonce la reproduction du modèle créé par Louis XIV et rappelle invariablement que le peuple existe.
Dans la 8e Lettre au Censeur, il pousse l’insolence jusqu’à inverser la position de la cour et du peuple :
je vous dirai, ce qui va vous surprendre et que je pense avoir le premier reconnu : la cour est un lieu bas, fort bas, fort au-dessous du niveau de la nation. Si le contraire paraît, si chaque courtisan se croit, par sa place, et semble élevé plus ou moins, c’est erreur de la vue, ce qu’on nomme proprement illusion optique, aisée à démontrer…
La logique de l’Ancien Régime ignore le peuple. Pour le monde au sens où Chamfort l’entend, le peuple est constitué d’ «animaux farouches» c’est-à-dire d’êtres doués de mouvement, accessoirement bons à le servir mais qui ne sont ni hommes ni femmes. On sait par ailleurs combien l’aristocratie en voulut à Louis XV d’avoir pris plusieurs parmi ses maîtresses dans le peuple.
L’infinie distance qui sépare la cour du peuple est dénoncée par Courier dans le réquisitoire contre la noblesse que constitue la 8e lettre au Censeur22. La cour est le genre humain.
Hors d’elle, il n’y a rien : la gent corvéable, taillable et tuable à volonté23 n’est pas composée d’hommes. Mais, ajoute Courier avec ironie :
Malheur des courtisans, ne point connaître le peuple, qui est la source de tout bon sens. Ils ne voient en leur vie que des grands et des laquais.24
Il persiste et dénonce cette « fracture sociale » avec une malice dévastatrice :
Toutes choses ont leur progrès. Du temps de Montaigne, un vilain, son seigneur le voulant tuer, s’avisa de se défendre. Chacun en fut surpris, et le seigneur surtout, qui ne s’y attendait pas, et Montaigne qui le raconte. Ce manant devinait les droits de l’homme. Il fut pendu, cela devait être. Il ne faut pas devancer son siècle.
Sous Louis XIV, on découvrit qu’un paysan était un homme, ou plutôt cette découverte, faite depuis longtemps dans les cloîtres par de jeunes religieuses, alors seulement se répandit, et d’abord parut une rêverie de ces bonnes sœurs, comme nous l’apprend La Bruyère. Pour des filles cloîtrées, dit-il, un paysan est un homme. Il témoigne là-dessus combien cette opinion lui semble étrange ; Elle est commune maintenant, et bien des gens pensent sur ce point tout comme les religieuses, sans en avoir les mêmes raisons.25
ne abeille au bord de l’encrier
Tant dans leur forme que sur le fond, les écrits couriéristes expriment le refus du compromis. Thibaudet avait judicieusement remarqué que les lettres de France et d’Italie étaient de même nature que les textes qui assurent sa célébrité26. Quant aux attaques contenues dans la Conversation chez la comtesse d’Albany si elles ne sont pas encore pamphlet, elles relèvent indiscutablement de la controverse puisque y est affirmée la supériorité de l’homme de lettres sur l’homme de guerre.
Avant les pamphlets, des pages fortes mais par nécessité confidentielles avaient affirmé les dons polémiques de Courier. Son premier écrit public naît de son désir de laver son honneur le plus ombrageux, celui d’amoureux du grec, mis à mal par del Furia. Cet honneur sera de nouveau bafoué avec le double refus de l’Académie de l’accueillir en son sein.
Il s’en venge férocement avec la publication de la Lettre à MM. de l’Académie des inscriptions et belles-lettres qui témoigne d’une insolence rare à l’encontre d’une institution à ses yeux déchue par sa servilité au régime. Ce texte placera Courier en un lieu qui lui interdira de rompre avec la polémique. A partir de là, il devient « cette abeille au bord de l’encrier » comme écrivait Mauriac évoquant Barrès27.
La Charte joue le rôle d’une vanne condamne les textes tièdes. Le pamphlet de Courier vient donc de loin et va plus loin que ses écrits antérieurs : il prend son sens dans le croisement de l’histoire personnelle de l’écrivain avec la période qui succède à l’Empire. La Terreur blanche, qui répète des persécutions telles qu’en connut naguère la France est la réaffirmation violente de l’exclusion. On opprime les petites gens et ceux qui les persécutent les traquaient déjà sous le régime précédent.
Pour Courier, c’est une iniquité. Aussi son premier pamphlet « politique », la Pétition aux deux chambres qui s’inspire notamment des orateurs grecs dont il raffole tels Isée imitateur de Lysias et contemporain d’Isocrate dénonce-t-il les excès de zèle du préfet d’Indre-et-Loire. Il en va de même avec la Pétition pour des villageois que l’on empêche de danser. Il existe une unité entre ces deux pamphlets à forte tonalité rustique qui les différencie des autres écrits de combat.
Quelle est la singularité de cette clameur qu’est le pamphlet couriériste ? Il constitue un rejet soigné de la Restauration et du monde des privilèges qui fait foncièrement écho au retour de l’étiquette et au déni d’existence infligé au peuple. Le polémiste, le publiciste défendent un groupe, un parti. Ce n’est pas la manière de Courier. Lui, ne s’inféode à aucune faction et réitère symboliquement l’entreprise de la Révolution sans approuver ses outrances, et sur le seul terrain littéraire.
Il puise la matière de ses pamphlets à cette source privilégiée que sont les écrivains, particulièrement ceux du grand siècle. Il est habité par eux, à l’instar de Saint-Évremond28, La Bruyère, Molière, Racine et se réfère fréquemment à La Fontaine ou Pascal. Ces « deux écrivains d’opposition » occupent une place centrale dans le Pamphlet des pamphlets.
Cette autojustification du genre est le décalque de la fable le Loup et le Chien comme le prouve l’expression chemin faisant. Manière de signifier que comme le loup de la fable, celui qui écrit le Simple discours de Paul-Louis refuse tout collier et affirme la liberté dans le pamphlet. Ou encore qu’exclus de la littérature, Courier retourne l’accusation et affirme l’appartenance du pamphlet à la littérature la plus haute.
A l’inverse, son interlocuteur, esprit docile et soumis, croit le pamphlet étranger aux lettres. Quant au subversif Pascal dont il se réclame constamment, Courier en retient la verve, la vivacité, l’esprit pétillant, l’humour et, ce qu’il place au-dessus de tout, l’exigence d’écriture.
Au fleuve de ce ramassis de sottises qu’est l’histoire29, Courier puise selon sa fantaisie pour écrire ses pamphlets qui rappellent l’opposition cour-peuple. Une autre conviction l’habite : le pamphlet trouve sa raison d’être dans son utilité. Courier revendique autant que faire se peut la cohabitation du beau et de l’utile, avec cette nuance de taille que le beau qui confisque ou nie les droits du peuple enracinés dans l’utile n’est pas le beau mais son simulacre.
Raison pour laquelle, lorsqu’il approuve la bande noire affairée à dépecer les grands domaines improductifs, cet amoureux du beau pour qui le XVIIe siècle a porté l’écriture à son point de perfection scandalise les beaux esprits. En réalité, le beau tel que le conçoit le vigneron de la Chavonnière jouit d’un statut singulier ; qu’il me soit ici permis de citer Vittore Collina qui définit ce statut en ces termes :
« De sa passion pour les classiques et de son attirance pour les néoclassiques, Courier réussit à faire un formidable outil de relativisation. Cet outil permet d’embrasser les siècles, de créer des confrontations explosives, de se soustraire à la logique de l’histoire, de se placer au-dessus des contingences humaines, sans prétentions métaphysiques ni religieuses. Par sa supériorité, le beau échappe aux critères de pouvoir, ne s’intègre ni aux hiérarchies ni aux conformismes de la société et demeure indépendant des puissances d’argent. »30
On peut compléter ce jugement : non seulement s’exprimer en français est un rappel à l’ordre à ceux qui abîment l’art de l’écrit mais, de plus, la beauté du texte riposte à la hideur du monde. Le pamphlet couriériste est une machine de guerre à deux effets : arme contre les idées du pouvoir et arme contre la laideur du pouvoir.
n fils des Lumières qui confectionne du poison
Courier qui n’est guère tendre pour elles31, aurait pu pratiquer l’impasse sur les grandes plumes que sont les Lumières. Il n’en est pas ainsi. Jean-Louis Lecercle avait décelé qu’il est un fils des Lumières32.
L’auteur de la Conversation chez la comtesse d’Albany Courier voue le XVIIIe siècle aux gémonies parce qu’il juge sa langue dégénérée. Comparé à La Fontaine, Voltaire pèse bien peu. Il en va autrement avec l’entreprise des Lumières. Le pamphlétaire conserve constamment en mémoire le combat de l’auteur du Dictionnaire philosophique dont il reconnaît qu’il « avait quelque esprit », compliment qui n’est pas peu sous sa sévère plume33. Si Courier rend immédiatement compte à sa femme de l’arrestation de Fouquet34, c’est qu’il se souvient de l’affaire du chevalier de La Barre. Comme ce malheureux dont Voltaire tenta de réhabiliter la mémoire, Fouquet n’avait-il pas refusé de se découvrir devant un « curé en surplis » ?
C’est la prétention de l’Église à régenter l’existence des Français qui amène Courier à railler le retour du père Canaye, à se souvenir des Lumières et, notamment, de Voltaire35.
L’année même de l’affaire La Barre, Voltaire avait attaqué l’obscurantisme de la religion dans un bouffon projet de loi attribué au mouphti du Saint-Empire ottoman, Joussouf-Chéribi, « De l’horrible danger de la lecture ». Sensible à cet écrit, Courier s’en inspire directement pour rédiger sa 9e lettre au Censeur, destinée à défendre la liberté de la presse.
A la manière de son inspirateur, Courier écrit l’opposé de ce qu’il pense en vue de faire entendre le contraire de ce qu’il écrit. On aura reconnu l’antiphrase, procédé privilégié de l’ironie dont sont coutumiers les pamphlétaires. Cette Lettre au Censeur fait mouche par l’utilisation d’une démonstration grotesque. Si on développe le raisonnement qui intente un procès à l’imprimerie, Caïn est le symbole de ce grand ratage qu’est la civilisation.
On sait qu’Adam et Eve transgressèrent les commandements de Dieu en goûtant de l’arbre de la connaissance. Leur fils aîné aggrave la situation en devenant le meurtrier de son frère. S’il était resté dans l’ignorance d’avant le péché originel, nous n’en serions pas là, ce qui est stupide car s’il n’y avait eu péché, Caïn n’eût pas existé ! Cet écrit hypertrophie la sottise du pouvoir, justifie les coups que le progrès porte ou rend au retour du passé et surtout annihile toute résistance du lecteur. Par son extravagance, la tentative de reconquête des consciences court à la ruine, à l’image de ces cathédrales qui s’effondrèrent pour avoir été érigées sur d’incertaines fondations. Il serait d’ailleurs plausible de nous demander si, rédigeant le plus célèbre des chapitres de Notre-Dame de Paris, Victor Hugo ne conçoit pas la fonction de l’écrit comme le fait Courier.
En dernier ressort, la parole d’abord, l’écrit ensuite constituent sur le mode ironique une transgression suscitée par Satan pour le renversement de ce si bel ordre des choses que fut l’état de nature célébré par Jean-Jacques… L’écrit répondrait spontanément au scandale qu’exsude le pouvoir. Il y a plus : le pamphlet serait pour Courier la forme achevée de cette subversion qu’est le texte puisque, par nature, il est un écrit contre36 autrement dit un poison violent. Mais comme il s’agit d’une antiphrase par laquelle il faut entendre le contraire,
le pamphlet est bel et bien un antidote à l’abaissement de l’esprit. Il est des poisons qui tuent et d’autres qui sauvent. Assimilé par Thibaudet à un bouilleur de cru, Courier pratique redoutable médecine. Cet usage d’une plante qui peut tuer en remède qui sauve, d’une écriture où des pièges minutieux attendent l’adversaire relève de l’inversion déjà présente chez Montesquieu. Les Lettres Persanes ne sont-elles pas décentrage puisque les épistoliers en sont les Persans éberlués de découvrir l’Europe ?
L’antiphrase a même effet que les étonnements de Usbek ou Rica devant les méfaits du progrès, fossoyeur des civilisations37 et qui professent le salut par l’ignorance. En fait, Montesquieu, Voltaire, Courier et plus tard Claude Tillier laissent l’intelligence du lecteur décrypter le message et en tirer eux-mêmes les conséquences. Chez les quatre auteurs, l’accès au texte impose la complicité active du lecteur et reste à haut risque.
onclusion
Que conclure de ce qui précède sinon que Courier, désireux de laisser son nom dans le cénacle des amoureux de la langue grecque, s’est trouvé engagé dans cette réponse à l’urgence qu’est le pamphlet ? Tout traumatisme se rationalise et peut diffuser très haut dans les productions les plus élaborées de l’esprit sans que nous sachions pourquoi il emprunte tel chemin pour telle conscience, un chemin radicalement autre pour une autre conscience.
Pour Courier, parce que le processus de curialisation et d’urbanisation simultanées changea les nobles en laquais et exclut le peuple de l’humaine condition, que la guerre est la concentration de tous les vices, que tout pouvoir est duperie, ce monde constitue un affligeant spectacle. En résulte chez lui un dédain de la politique, cet obscène théâtre sur la scène duquel bien des hommes évoluent sans fierté.
Tout ici bas serait généralement mystification à l’image de la prétention que la guerre relève d’une science ou que les talents mènent à tout; dès lors, la liberté est le seul lien qui amarre l’homme à ce havre toujours menacé qu’est sa dignité. Ce principe est sans réserve mais la tempête des intérêts menace toujours. Ici surgit le pamphlet, refus du compromis, éminente et foisonnante réponse, combat pour la dignité,
aussi exigeant mais moins tourmenté que la révolte métaphysique de Dostoïevski.
Courier excelle dans cette clameur qu’est le pamphlet qu’il fait dépendre de deux facteurs : la matière et l’art. La matière naît de la conjonction du vivier qu’est la littérature et des intérêts du moment produits par un monde qui oppose cette promesse qu’est le progrès en travail au salut jadis assuré par la religion. L’art impose une exigence considérable. Il s’en explique dans une de ses lettres où il précise son principe : « Peu de matière et beaucoup d’art »38.
Son goût du bel écrit est unanimement reconnu. Moins avisés que Thibaudet qui affirme qu’« il ne produit pas mais qu’il hérite », plusieurs critiques lui ont reproché son manque d’imagination, la pauvreté de ses inspirations née de sa carence d’idées, voire le fait qu’il soit surtout un habile adaptateur. Si on ne l’a pas accusé de plagiat, c’est parce que de pareils propos eussent disqualifié leurs auteurs :
en effet, s’il est facile de copier quand on manifeste quelque don pour cela, il est beaucoup plus difficile d’être Courier. En vérité, chez lui, il existe une osmose entre le réel et la littérature mais le dernier mot revient toujours à celle-ci. Cette réaction est paradoxalement née de son extrême sensibilité aux affres de notre monde. Jeté dans le désenchantement, par le souvenir des méfaits du duc d’Olonne puis par le séisme politique à l’infinie portée auquel il assista sans indulgence,
enfin par la guerre de Calabre qui figea son rire, il trouve roborative consolation dans la fonction de la littérature. Au sommet de celle-ci, il place le pamphlet, forme qui synthétise le beau et l’utile. Car une interrogation scandalise cet indifférent aux choses de la politique et de la religion : c’est prodige que survive l’esprit de cour à ce monde que la Restauration s’évertue à sauver.
Le moribond se vengerait-il durant son agonie en transmettant au monde qui lui succède cet héritage qu’est la flagornerie ? Peut-on parler de progrès si les bipèdes sans plumes restent fidèles à eux-mêmes et au système de valeurs installé par Louis XIV ? Parce qu’il se veut rempart contre les avatars de l’obscurantisme toujours renouvelé et donc toujours actuel, le pamphlet couriériste répond à ces interrogations avec singularité et se construit comme une place forte originale39 contre l’omniprésence du nihilisme. Et constater que cet amoureux fou de l’antique a brillamment plaidé dans ses écrits de combat la cause de la modernité n’est pas le moindre des paradoxes.
Cet écrivain qui confère à la littérature une fonction traditionnellement occupée par la religion est un élément de la longue chaîne de l’histoire des lettres françaises. Qui est Paul-Louis Courier sinon le maillon manquant entre les exigences de la littérature classique et les revendications de la littérature moderne qu’inaugure le romantisme40 ? Exception dans l’histoire littéraire française, il sert de référence pendant tout le XIXe siècle et constitue un modèle à d’autres pamphlétaires tels que l’auteur des Lettres au Système sur la réforme électorale41 ? Celui des Lettres au Censeur a porté le pamphlet à son apogée et n’eût peut-être pas été égal à lui-même dans un autre genre.
C’est pourquoi il est légitime de penser que, d’une part Courier et le pamphlet constituent une symbiose littéraire accomplie et de l’autre, ce « chétif » bonhomme Paul, mouche du coche à l’œil lucide, est semblable à ces solitaires étoiles mortes sans postérité qui, pendant des siècles, continuent de nous envoyer leur étrange lumière…
Cette intervention fut prononcée le 9 juillet 2007 après-midi dans le cadre du 59e congrès de l’Association Internationale des Etudes Françaises qui se tint à Paris, à l’École Normale Supérieure, rue d’Ulm, les 9, 10 et 11 juillet 2007.
Séance placée sous la présidence de Marc Fumaroli, membre de l’Académie française et professeur au Collège de France.
OUVRAGES CITÉS
- Théodore Anne, Mémoires, souvenirs et anecdotes sur l’intérieur du palais de Charles X et les événements de 1815 à 1830, Paris, Werdet, 1831, 2 vol.
- Mémoires de la comtesse de Boigne, Paris, Mercure de France, 1986, 2 vol.
- Chamfort, Maximes et pensées, Gallimard, Folio, p. 154.
- Vittore Collina, Estetismo e politica in Paul-Louis Courier, traduction Anne-Marie Babonaux Cahiers de la SAPLC, tome III, n°5, avril 1997.
- Michel Crouzet, Paul-Louis Courier, Une écriture du défi ; Éditions Kimé, 2007.
- Louis Desternes, Paul-Louis Courier et les Bourbons ; édition des « Cahiers bourbonnais », 1962.
- Norbert Elias, La société de cour, Champs-Flammarion, 1985.
- Jean Guillon, Paul-Louis Courier, Pamphlets politiques choisis ; Éditions sociales, 1961.
- La Bruyère, Les Caractères, Imprimerie nationale Éditions, 1998.
- Anne Martin-Fugier, La vie élégante ou la formation du Tout-Paris 1815-1848, Fayard Histoire, 1990.
- Les chefs-d’œuvre de François Mauriac, Cercle du bibliophile, tome 18, Mes grands hommes.
- Rabelais, Œuvres complètes, bibliothèque de la Pléiade, 1955.
- Sainte-Beuve, Causeries du lundi, Garnier 1876.
- Société des Amis de Paul-Louis Courier (SAPLC), Actes du colloque Paul-Louis Courier, de la Sorbonne, 1974.
- SAPLC, Colloque Paul-Louis Courier « Politique et Mémoire », Tours, 1995.
- SAPLC, Collection complète des Cahiers de la Société (de 1968 à 2007, soixante et un numéros) Véretz 37270.
- Albert Thibaudet, Histoire de la littérature française de Chateaubriand à Valéry.
- Docteur Véron, Mémoires d’un bourgeois de Paris, Paris, Librairie nouvelle, 1856, 5 vol.
- Paul-Louis Courier, Œuvres complètes (OC), édition établie et annotée par Maurice Allem ; bibliothèque de la Pléiade, 1940.
- Paul-Louis Courier, Correspondance générale présentée et annotée par Geneviève Viollet-le-Duc ; tome 1 (CG1), librairie Klincksieck, 1976 ; tome 2 (CG2), librairie Klincksieck, 1978 ; tome 3 (CG3), librairie A.G. Nizet, 1985.
Les citations de Paul-Louis Courier ont deux sources : sa correspondance est celle de l’édition réalisée par Mme Geneviève Viollet-le-Duc quand on ne la trouve que chez elle et dans la même édition et à la Pléiade quand elle figure aux deux. Tous les autres écrits de Courier sont tirés de la Pléiade.
[1] Citons un seul exemple tiré du Livret de Paul-Louis, vigneron, pendant son séjour à Paris, en mars 1823, OC 166 : Se passer de salons, impossible au Français, peuple éminemment courtisan.
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[2] Voir OC lettre XXVI p. 684 ou CG1 lettre 101 p. 179.
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[3] Procès de Paul-Louis Courier, OC p. 97.
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[4] Réponses aux Anonymes qui ont écrit des lettres à Paul-Louis Courier, vigneron, OC p. 148.
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[5] OC lettre CLV à Boissonade, p. 851 ou CG2 lettre 411, p. 327.
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[6] Voir OC 1e réponse aux Anonymes, p. 154 : Né d’abord dans le peuple, j’y suis resté par choix…
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[7] Op. cité, lundi 2 août 1852.
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[8] Louis Desternes, op. cité, p. 311.
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[9] A rebours de Desternes, Michel Crouzet cerne étroitement la problématique du pamphlétaire : « M. Angenot […] montre la nécessité dans le pamphlet d’une présence forte de l’énonciateur, il faut que le pamphlétaire s’offre comme celui qui ressent la contrainte d’événements, d’expériences individuelles et exemplaires ;
il faut un sujet fondateur du discours qui n’a lieu que par lui et pour lui ; par là une intensité affective soutient la démonstration même si elle est abstraite et impersonnelle. » Op. cité, p. 48, note 17.
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[10] Les invitations de toutes espèces me pleuvent de tous les côtés. Je n’en accepte aucune et fuis les cliques… CG3 lettre 686 p. 278 ou OC lettre CCVI p. 898.
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[11] Michel Crouzet va plus loin qui écrit : « Il ne faut donc pas séparer dans Courier l’esthète et le politique, ni dissocier l’helléniste du pamphlétaire. » op. cité, p. 23.
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[12] CG2 lettre 299 p. 140 ou OC lettre CXVII p. 810.
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[13] Comment Pantagruel rencontra un Limosin qui contrefaisoit le langage françoys. Courier s’y réfère aussi dans sa lettre à M. Akerblad de novembre 1808.
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[14] Le secret, en un mot, est l’âme de la politique, et la publicité n’est bonne que pour le public. Lettre X au Censeur, OC p. 40.
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[15] CG3, lettre 550, p. 140.
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[16] « Amitié de cour, foi de renards, et société de loups. » Chamfort, op. cité maxime 202 p. 69
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[17] « La vie de la Cour est un jeu sérieux, mélancolique, qui applique ; il faut arranger ses pièces et ses batteries, avoir un dessein, le suivre, parer celui de son adversaire, hasarder quelquefois, et jouer de caprice ; et après toutes ses rêveries et toutes ses mesures on est échec, quelquefois mat. Souvent avec des pions qu’on ménage bien, on va à dame, et l’on gagne la partie ; le plus habile l’emporte, ou le plus heureux. » Op. cité, pp. 280-281.
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[18] Op. cité, tome 1, p. 232. Partisan de Louis-Philippe, le docteur Véron (1798- 1867) fut administrateur de l’Opéra de février 1831 en août 1835. Proche de Thiers, directeur du journal le Constitutionnel en 1838, il fut député sous le Second Empire.
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[19] Op. cité, tome 2, page 82.
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[20] Mémoires de la comtesse de Boigne, tome 2, pp.159-160, cité par Anne Martin-Fugier.
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[21] Voir Simple discours, OC p. 84 : La cour, centre de corruption, étend partout son influence ; il n’est nul qui ne s’en ressente, selon la distance où il se trouve.
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[22] M. Decazes est de la cour ; il n’est pas de Paris, de Gonesse ou de Rouen, comme, par exemple, nous sommes de notre pays, chacun de son village et tous Français ; mais lui : La cour est mon pays, je n’en connais point d’autre ; et, de fait, y en a-t-il d’autre ? On le sait ; dans l’idée de tous les courtisans, la cour est l’univers ; leur coterie, c’est le monde ; hors de là, c’est néant. OC p. 30.
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[23] Lettre première au Censeur OC p.11.
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[24] Procès de Paul-Louis Courier OC p. 97.
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[25] Lettre première au Censeur OC pp. 11 et 12.
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[26] « Mais lettres et pamphlets sont du même style, ce style est celui du même homme. » Albert Thibaudet, op. cité, chapitre XII.
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[27] Op. cité, Chateaubriand, p. 198.
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[28] Courier évoque la conversation de M. le maréchal d’Hocquincourt avec le père Canaye dans la Pétition aux deux chambres et dans le Livret de Paul-Louis, OC p. 5 et p. 169.
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[29] Toutes ces sottises qu’on appelle histoire ne peuvent valoir quelque chose qu’avec les ornements du goût.
OC lettre CXI p. 798-799 ou GC2 lettre 277 p. 105.
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[30] Op. cité, p. 99.
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[31] Surtout gardez-vous bien de croire que quelqu’un ait écrit en français depuis le règne de Louis XIV. La moindre femmelette de ce temps-là vaut mieux pour le langage que les Jean-Jacques, Diderot, d’Alembert, contemporains et postérieurs. Cf. supra, note 5.
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[32] « Et pourtant, il est un fils ingrat, mais un fils des lumières. » Colloque 1972, p. 51.
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[33] Voltaire qui avait quelqu’esprit, était souvent embarrassé à deviner auprès de son lac ce qui pouvait convenir à Paris. GC3 lettre 645 à Voyer d’Argenson, p. 234.
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[34] Voir CG3 lettre 500, p. 64.
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[35] Écart entre Voltaire et Courier : pour le premier la religion joue le rôle irremplaçable de régulateur social du peuple alors que le second se cantonne à dénoncer les prétentions de cette même religion à diriger les consciences et à modeler les comportements. Voir par exemple le Livret de Paul-Louis, OC p. 166 : Corrompre le peuple est l’affaire, la grande affaire maintenant. A l’église et dans les écoles, on lui enseigne l’hypocrisie.
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[36] Jean Guillon p. 93, note 1, cite Balzac et sa Monographie de la presse parisienne :
« Qui dit pamphlet dit opposition. On n’a jamais su faire en France de pamphlets au profit du pouvoir. Le pamphlet n’a donc que deux faces : il est radical ou monarchique. L’opposition à l’eau tiède des journaux dynastiques ne leur permet pas de fabriquer le trois-six du pamphlet. Le vrai pamphlet est une œuvre du plus haut talent, si toutefois, il n’est pas le cri du génie…
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[37] Voir notamment Lettres Persanes CV et CVI.
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[38] CG1 lettre 126 à M. Clavier, p. 216 ou OC lettre XXX p. 693.
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[39] CGIII lettre 557 p. 150 : J’ai peur de faire quelque platitude qui gâte l’opinion qu’on a de moi.
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[40] Pour Michel Crouzet, l’appartenance de Courier au romantisme ne fait aucun doute. Voir sa préface. Il va plus loin en évoquant une parenté entre Courier et Céline. Op. cité, p. 38.
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[41] « Timon est, avec Paul-Louis Courier, presque le seul écrivain que je connaisse… » Claude Tillier, Lettre à Timon, à Clamecy le 25 mai 1841.
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