Paul-Louis Courier

épistolier, pamphlétaire, helléniste
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Eugène Bizeau : Hommage à Paul-Louis Courier (1972)



Eugène Bizeau jeune Eugène Bizeau jeune
 

N é à Véretz (Indre-et-Loire) le 29 mai 1883 ; mort le 17 avril 1989 à l'hôpital de Tours ; vigneron, apiculteur, chansonnier, anarchiste.
Deuxième enfant d'une famille de vignerons républicains, Bizeau obtint à treize ans son certificat d'études primaires. Adolescent, il s'abonne au Libertaire et au Père Peinard ; il exerça divers métiers avant de devenir vigneron.
Son père, libre-penseur, était un lecteur attentif de Proudhon.
Lui-même lisait beaucoup et collabora par chansons et poèmes à de nombreux périodiques anarchistes, l'Anarchie, L'Idée libre, Le Luth français, Hors du troupeau, le Réfractaire.
Il publia en 1910 et 1914 deux recueils de vers : Balbutiements et Verrues Sociales.
Membre de la Muse Rouge1, à partir de 1910, il écrivit plusieurs chansons. A cette époque, il se dépeignit lui-même en ces termes :

Tourangeau frisé, frisant la trentaine,

Vit par ses efforts sur le sol natal,

Pétrit ses chansons d’amour et de haine

Et se trouve bien d’avoir tourné mal.




[1] Société chantante née à l’aube du 20e siècle, la Muse Rouge est un groupe informel de poètes et chansonniers révolutionnaires venus d'horizons différents, socialistes, libertaires, libres-penseurs, réfractaires ou anarchistes partageant le même idéal pacifiste. Citons : Xavier Privas, d'Avray, Couté, … ainsi que Jacques Grello, Noël-Noël et Pierre Dac.

Eugène Bizeau et Nils : plus d’un siècle les sépare… (Photo P. Aucante) Eugène Bizeau et Nils : plus d’un siècle les sépare…
(photo Pierre Aucante)
 
Maison d'Eugène Bizeau (photo JP Lautman) Maison d'Eugène Bizeau (photo JP Lautman)
 


Réformé en 1914, il écrivit des poèmes anticolonialistes, anticléricaux et pacifistes. Il collabora à CQFD de Sébastien Faure, Pendant la Mêlée, et Par-delà la Mêlée, journaux d'Armand (1915-1917). En 1916, il épousa une institutrice qu'il avait connue par les journaux d'Armand et dont il eut deux enfants, Max-Olivier et Claire. En 1936, il vivait avec sa famille à Massiac (Cantal) travaillant comme jardinier et agriculteur. Il continuait à collaborer à de nombreuses publications anarchistes ; citons : Le Libertaire, depuis 1920, La Revue anarchiste, n° 1, 28 janvier 1922, Le Semeur, de 1927 à 1936, La Voix libertaire en 1932, Contre-courant, revue de Louis Louvet, L'Unique, en 1950-1951, etc.
En 1980-1981, Eugène Bizeau, toujours alerte, participa au tournage d'un court métrage : Écoutez Bizeau réalisé par Bernard Baissat avec la participation de l'historien Robert Brécy. En 1983, il remporta la palme du « plus vieux lecteur du Canard enchaîné ».
Eugène Bizeau mourut le 16 avril 1989 à l'hôpital de Tours, à presque cent six ans. Il fut enterré à Véretz. Lors de cette cérémonie, la Muse Rouge était représentée par M. Fredy et la Société des amis de Paul-Louis Courier par son président Gabriel Spillebout.

Le 24 mai 2009, la SAPLC en la personne de son secrétaire général a rendu hommage à Eugène Bizeau pour les vingt ans Le 24 mai 2009, la SAPLC en la personne de son secrétaire
général a rendu hommage à Eugène Bizeau pour les vingt ans
de sa disparition. (photo O Lautman)
 

Quand il parlait de Paul-Louis Courier, il aimait à rappeler que sa grand-mère fut la dernière personne à avoir vu M. Courier vivant.

Articles sur lui :
Libération, 27 juin 1983. — Le Monde, 29-30 septembre 1985. — L'Humanité, 19 avril 1989.






« J’ai connu un temps où les paysans vivaient misérablement. Ils vendaient leurs plus beaux produits pour en tirer un peu d’argent et mangeaient des déchets. En travaillant chez eux, je me suis rendu compte de l’exploitation qu’ils subissaient. Leurs maisons étaient toutes délabrées. Dans cette région, alors couvertes de vignes, ils devaient travailler comme des forcenés, bêcher la terre de l’aube jusqu’à la nuit noire. Je suis devenu anarchiste devant le spectacle de pareilles iniquités […]
A quatorze ans, je me suis abonné au Père Peinard, d’Emile Pouget, et j’ai lu ensuite les écrits de Louise Michel, Sébastien Faure, Proudhon et Blanqui. Les œuvres de Paul-Louis Courier, qui vécut ici au début du siècle dernier et défendit les droits des ouvriers agricoles, ont eu aussi une grande influence sur mon évolution. »

(Rencontre avec Eugène Bizeau, article de Pierre Drachline dans Le Monde aujourd’hui, dimanche 29, lundi 30 septembre 1985)

Salut, vieux pamphlétaire…

Salut, vieux pamphlétaire à la plume indomptée !
Vigneron dont le vin réconforte l’esprit…
Salut COURIER ! salut à la libre pensée
Qui répand sa lumière en tes meilleurs écrits !

Pour tes pamphlets, piquants, comme des coups d’épée,
On t’a couvert, jadis, de fange et de mépris ;
Et l’on t’a fait rejoindre, en leur tour désolée,
Ceux qu’on jette en prison pour étouffer leurs cris…

Mais le soleil des temps nouveaux, qui nous éclaire,
Fera germer le grain du bon sens populaire
Qui fustige avec toi les horreurs du passé ;
Fiers de ton idéal, qu’un noble amour féconde,

Libres et fraternels aux quatre coins du monde,
Les peuples dans la paix pourront un jour danser…
Comme «les villageois de Véretz et d’Azay» !



Au champion du bon sens et de la liberté…

Courier, « vil pamphlétaire », osa dire un ilote
Qui fut toqué d’hermine et procureur du roi,
Ton nom reste plus haut qu’un étendard qui flotte…
Et fait briller les yeux qui sont tournés vers toi !

Aussi, pour célébrer ton double centenaire,
Les fleurs du souvenir viennent de toutes parts ;
Et rien ne reste plus du triste mercenaire
Que les mots pleins de fiel d’un chatfourré blafard…

Ceux que tu défendais n’avaient ni bois, ni terres,
Ni pavillons blottis dans les bosquets ombreux ;
C’étaient des paysans, c’étaient des prolétaires
Qu’on écrasait d’impôts et qui restaient des gueux.

Ces manants affranchis ne payaient plus la dîme ;
Depuis Quatre-vingt-neuf leur sort avait changé,
Mais ils étaient brimés par l’insolent régime
Où régnaient la noblesse et le très haut clergé.

Vignerons tourangeaux ou maçons de la Creuse,
Mal nourris, mal vêtus, traités comme un bétail,
Ils n’avaient même pas la liberté joyeuse
De danser quelquefois sous les tilleuls du Mail.

Le droit qu’on leur donnait c’était de ne rien dire
Contre l’autorité des bourboniens repus,
Contre leurs estafiers qui se faisaient maudire
En étouffant la voix des éternels vaincus.

Au rythme des saisons, c’étaient toujours les mêmes
Qui se courbaient sans fin sur un labeur ingrat ;
« Leurs gestes de semeurs » étaient de beaux poèmes :
- Et c’est Victor Hugo, plus tard, qui le dira…

Mais quand ils avaient fait la moisson la vendange,
Monté dans les greniers les sacs remplis de blé,
On leur fermait au nez les portes de la grange,
On verrouillait la cave à triple tour de clé !

Courier, nous t’admirons, nous, les gens du village
Où chacun parle haut sans fermer les volets,
Pour ce qu’on appelait tes « écarts de langage »,
Pour ton « Simple discours », tes lettres, tes pamphlets !

Et malgré le regain des basses calomnies
Qui voudraient salir l’homme et flétrir l’écrivain,
Pour « Daphnis et Chloé », pour leur grâce infinie,
Nous aimons l’helléniste et sa vigne et son vin…

Entre la Chavonnière et Sainte-Pélagie,
Que de tourments cruels en ton cœur angoissé,
Jusqu’au jour où survint l’horrible tragédie
Dans ce qui fut jadis ta forêt de Larçay !

Servir les pauvres gens fut ta plus noble gloire,
L’apostolat d’un juste au sort immérité,
Qui fut et qui demeure au livre de l’histoire
« Le champion du bon sens et de la liberté ».

Courier, d’un cœur ému, j’épands des fleurs nouvelles
Sur le tombeau glacé qui fut ton dernier lit…
On a voulu sur toi jeter l’ombre et l’oubli,
Mais tu restes vivant dans ton œuvre immortelle !




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