Paul-Louis Courier

épistolier, pamphlétaire, helléniste
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prec De Mme Marchand Le Maréchal de Conegliano[1]
à S. E. le duc de Rovigo
Ministre de la Police générale
A M. Clavier Suiv

Inspection généraleParis, le 29 octobre 1812.
de la gendarmerie impériale

Monsieur le duc,

J Moncey Bon Adrien Jannot de Moncey
Duc de Conegliano 
’ai l’honneur d’informer Votre Excellence que le 26 de ce mois, deux gendarmes de la résidence de Blois, faisant la visite des auberges avec un appariteur de police à l’arrivée de la diligence de Paris dans cette ville, ont arrêté un voyageur qui n’a pu produire de passeport. Il portait la décoration de la Légion d’honneur et a dit se nommer Paul-Louis, homme de lettres, ex-chef d’escadron d’artillerie à cheval, démissionnaire depuis environ quatre ans, domicilié à Paris rue des Bourdonnais n°12, chez M. Marchand employé dans les finances. Il ajouta qu’il avait perdu son passeport en passant à Orléans.
Cet homme ayant paru suspect, a été conduit devant M. le Préfet de Loir-et-Cher, qui, après l’avoir interrogé, a ordonné qu’il serait gardé à vue jusqu’à ce qu’on eût obtenu sur son compte des renseignements satisfaisants. Il paraîtrait au surplus qu’il est suspecté d’avoir trempé dans l’attentat du 23[2]. Du reste M. le Préfet a rendu compte aussitôt à Votre Excellence, de l’arrestation de cet individu.
J’ai l’honneur, Monsieur le Duc, de vous renouveler l’assurance de ma plus haute considération.

Le premier Inspecteur général
Le Mal duc de Conegliano[3]


[1] Quatrième enfant d’une fratrie de treize dont une bonne partie mort-née, Bon Adrien Jannot naît le 31 juillet 1754 dans le village de Moncey, situé dans le Doubs, au nord de Besançon, à la limite avec la Haute Saône. D’où son patronyme de Jannot de Moncey. A quinze ans, il s'engage dans l'armée contre l’avis de son père, François Antoine Jannot, avocat au parlement de Besançon sans en exercer les fonctions, qui l’en fait sortir. En avril 1774, il entre dans le corps lorrain de la gendarmerie. Le 16 août 1779, il est sous-lieutenant au corps de Nassau-Siegen, lieutenant le 1er juillet 1785.Conscient qu’il ne dépassera pas ce grade du fait de ses origines non nobles, il quitte le service.
Dans les premiers mois de 1789, il achète du marquis du Cheylard la terre de Moncey, fief peu important, mais qui vint arrondir le domaine familial et qui de plus donnait le droit au futur Maréchal de prendre le nom de « de Moncey », comme Jean-Paul Courier ayant acheté en mars 1768 le fief de Méré fut autorisé à accoler de Méré à son patronyme.
Le 30 septembre 1790, il se marie à Besançon avec Charlotte Prospère Remillet (1761-1842) : le couple aura quatre enfants.
En 1791, Moncey s'enrôle dans un régiment de volontaires, lequel l'élit capitaine le 1er avril. Il est affecté dans l'armée des Pyrénées-Occidentales de 1793 à 1795. La qualité de ses états de service amène des représentants en mission de la Convention à le nommer général de brigade le 18 avril 1794. Moins d’un an plus tard, à 40 ans, il est général de division et commandant en chef de l'armée. Il repousse les Espagnols jusqu’au sud de l’Ebre.
Dénoncé comme royaliste parce qu’il apprécie Pichegru et Carnot, il est démis de ses fonctions le 26 octobre 1797.
Il reprend du service le 20 septembre 1799 et prend parti pour Bonaparte au moment du 18 brumaire.
Il est lieutenant du général en chef de l'armée du Rhin, le 24 mars 1800. Dès lors son ascension est inéluctable. Nommé commandant d’un corps de vingt mille hommes occupant la Lombardie, il soutient le général en chef Bonaparte et collabore de ce fait activement à la victoire de Marengo.
Le 3 décembre 1801, Moncey est nommé inspecteur général de la gendarmerie, ce qui fait de lui l'égal du ministre de la police. Il dispose de ses propres services d'espionnage, de fonds secrets, ne rend de compte qu'au Premier consul, sans passer même par le secrétaire d'État. Les services qu’il rend au Premier consul seront récompensés.
Le 19 mai 1804, il est élevé au rang de maréchal d’empire et, déjà chevalier de la Légion d’honneur, en devient lors de la promotion du 14 juillet 1804, Grand Aigle.
Le 2 décembre 1804, lors du sacre de l'empereur, le Moncey porte la corbeille du manteau de l'impératrice Joséphine. Comme il s’est déjà distingué en Espagne, Napoléon le nomme le 16 décembre 1807 commandant en chef du « Corps d'observation des côtes de l'Océan ». Présent à Madrid en 1808 au plus fort de la guerre, il agit pour éviter un massacre. Il enchaîne ensuite plusieurs victoires dans sa marche sur Valence. Le 25 juillet 1808, Napoléon lui accorde une nouvelle distinction : duc de Conegliano.
Il rentre en France le 2 janvier 1809 et sert de nouveau dans l’armée active.
Il prend part le 30 mars 1814 à la défense de Paris. En avril, il est partisan comme Ney et Marmont de l’abdication de Napoléon.
Il sert les Bourbons pendant la première Restauration, est nommé par Louis XVIII à la chambre des pairs le 4 juin 1814. Étant premier inspecteur de la gendarmerie, il est le premier informé du débarquement de Napoléon à Fréjus et de la défection de Ney. Il en informe le roi sur-le-champ.
Il rejoint l’empereur durant les Cent-Jours mais reste à l’écart des événements. De retour à Paris, Louis XVIII le révoque de la Chambre des pairs le 24 juillet 1815.
Chargé de présider le conseil de guerre devant juger Michel Ney, il refuse ce rôle, désapprouvant ce procès pour des raisons politiques. Le roi lui envoie le baron de Vitrolles pour le faire changer d’avis mais il reste sur ses positions. Aussi est-il destitué par Louis XVIII, avec condamnation de trois mois de prison, au fort de Ham, à compter de septembre. La forteresse est commandée alors par un général prussien, lequel refuse d'accueillir un ancien maréchal français. Moncey purge sa peine dans une chambre d'hôtel !
Sa détention terminée, il se retire sur son domaine franc-comtois.
Le 3 juillet 1816, le roi lui rétablit son grade et les avantages qui vont avec à effet du 1er décembre 1815. Le 5 mars 1819, il est de nouveau nommé pair de France.
En 1823, septuagénaire, le duc de Conegliano retrouve le commandement d'un corps d'armée lors de l'expédition d'Espagne décriée par Courier. A sa tête, il conquiert la Catalogne, prend Barcelone, Tarragone et Hostalrich.
En 1833, après la mort de Jourdan, il devient gouverneur des Invalides. Le 15 décembre 1840, âgé de 86 ans (!), il y accueille les cendres de Napoléon.
Bon Adrien de Moncey meurt le 20 avril 1842. Sur son lit de mort, il aurait prononcé ces paroles : « Je souhaite que chacun remplisse et termine sa carrière comme moi ». C’est André Dupin, député de la Nièvre et ancien président de l’Assemblée nationale, qui prononce le 25 avril son éloge funèbre. Son épouse le suit dans la tombe une quinzaine de jours plus tard. Il est inhumé aux Invalides, dans la crypte des gouverneurs.  Note1
[2] Courier « trempé » dans une conspiration ? c’était le bien mal connaître.  Note2
[3] Cette lettre, l’intervention de Sigismond Le Duc et de Clavier permirent la libération de Courier qui rejoignit Tours sans plus être inquiété, en possession d’un nouveau passeport.  Note3

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