Paul-Louis Courier

épistolier, pamphlétaire, helléniste
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prec De M. Silvestre de Sacy le 3 mars 1809 [Sans mention][1] Du ministère de la guerre le 4 mai 1809 Suiv

Milan, le 23 mars 1809


Monsieur,

L Antoine-Isaac Silvestre de Sacy Antoine-Isaac Silvestre de Sacy (1758-1838)
 
Les tristes présages que me donnait votre lettre du 3 du courant sur la maladie de M. de Sainte-Croix; ne se sont que trop vérifiés, comme on me le marque aujourd'hui de la part de madame de Sainte-Croix[2]. Je n'ose encore lui écrire ; mais je vous supplie, Monsieur, de lui présenter mon respect, et de lui dire, si cela se peut sans irriter sa douleur, toute la part que j'y prends. Je comprends la vôtre, Monsieur, sachant combien vous étiez lié avec un homme si respectable et la haute estime qu'il avait pour vous. Quant à moi, il n'y avait personne dont l'amitié me fût ni mieux prouvée ni plus chère ; et même, depuis la mort de M. de Villoison, qui nous fut ravi aussi cruellement, c'était presque la seule liaison que j'eusse conservée en France parmi les gens de lettres. Il se plaisait à m'encourager dans ces études dont vous avez pu voir quelques essais, et c'était à lui que je confiais des amusements et des goûts qu'on ne peut avoir pour soi seul. Enfin, par mille raisons, je ne pouvais faire de perte qui me fût plus sensible. C'est déjà un bonheur pour moi que mon manuscrit passe dans vos mains ; mais je voudrais qu'avec cela, M. de Sainte-Croix vous eût transmis une partie de l'amitié dont il m'honorait ; pour avoir quelque droit à la vôtre, si cela peut m'être là un titre, permettez-moi de le faire valoir, en y joignant l'admiration que m'inspirent vos rares connaissances. Je n'en puis juger par moi-même que très imparfaitement. Mais je voyage depuis longtemps, et partout je vous entends louer par des gens que tout le monde loue. Ainsi je suis sûr de votre mérite dans les choses mêmes qui passent ma portée. Voilà d'où me vient, Monsieur, le désir de vous connaître plus particulièrement et l'ambition de vous plaire. Je compte être bientôt à Paris, où j'espère vous faire ma cour un instant. En attendant, si vous daignez jeter un coup d'œil sur mon travail et me donner quelques avis, venant d'un homme comme vous, nulle faveur ne me pourrait être plus précieuse. Je suis très-flatté de l'intérêt que vous y voulez bien prendre et fort aise que M. Lenormant, à votre considération, se charge de l'impression[3]. C'était assurément tout ce que je pouvais souhaiter. Je me flatte peut-être, mais vous voilà, je crois, un peu engagé à protéger mon Xénophon à son entrée dans le monde. J'ose vous prier, Monsieur, de ne le point perdre de vue. Car plutôt que de le voir livré à la barbarie des protes, j'aimerais mieux l'étouffer d'abord. Il vous sera aisé, ce me semble, de trouver quelqu'un qui se charge de surveiller l'impression, et de voir vous-même d'un coup d'œil si tout est dans l'ordre. Comme mon voyage à Paris est encore une chose incertaine, et que, dans tous les cas, mon séjour y sera très court, occupé d'ailleurs de soins fort différents, je ne pourrai même avoir une pensée qui se rapporte à de tels objets, et sans vos bontés, je renoncerais à rendre cet ouvrage public.


[1] Sautelet précise « A M. Sylvestre de Sacy » et donne la date du 13 mars.  Note1
[2] M. de Sainte-Croix décéda le 11 mars.  Note2
[3] Voir la lettre de Silvestre de Sacy du 3 mars.  Note3

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