Paul-Louis Courier

épistolier, pamphlétaire, helléniste
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L’affaire Mingrat


L’affaire Mingrat : Origines et répercussions d’une offensive contre l’Église

Antoine Mingrat
Antoine Mingrat
 

Il s’appelle Mingrat ; n’avait guère plus de vingt ans quand, au sortir du séminaire, on le fit curé de Saint-Opre, village à six lieues de Grenoble…

A vec la phrase qui précède, on aura reconnu l’affaire Mingrat1 exposée et utilisée dans la 2e réponse aux anonymes. Ce texte daté du 6 février 1823 vise, au travers de la question du célibat des prêtres, à combattre une institution qui, selon son auteur, menace fortement les libertés populaires ou non. En ce sens, il est de même nature que la Pétition pour des villageois que l’on empêche de danser. Si l’on en croit la notice qui accompagne le recueil des cent lettres, au printemps 1824 Paul-Louis était « Occupé d’un grand projet pour lequel il jugeait le secret nécessaire »2 . De préciser en fin de publication : « il [Paul-Louis] se préparait en même temps à un travail de plus longue haleine que tout ce qu’il avait fait jusqu’alors, quand il fut assassiné, le 10 avril 1825 »3 . En faut-il déduire que Paul-Louis Courier envisageait de rédiger un texte autant argumenté que le Simple discours et destiné à attaquer l’Église plus à fond ? Hypothèse plausible. Il peut aussi s’agir, dans l’esprit de celui qui rédigea cette notice, d’une justification a posteriori de la mise en cause des jésuites dans l’assassinat. Quoiqu’il en soit, faute de pièces permettant de faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre, nous sommes placés dans la nécessité des conjectures.

Incontournables, les exigeants travaux de Robert Gaschet que toute biographie ou prétendue telle de Courier ne saurait reléguer aux arrière-postes ne sont pas tendres avec le traitement réservé par Paul-Louis à l’affaire Mingrat. Ainsi pouvons-nous lire, à la page 205 de Paul-Louis Courier et la Restauration :
L’ivresse du combat a si bien développé son animosité contre la soutane qu’il [Courier] ne craint pas de prostituer sa plume éloquente en écrivant cette diatribe sur le célibat des prêtres.

De son côté, le rigoureux Louis Desternes n’est pas non plus indulgent puisqu’il affirme à la page 239 de son minutieux Paul-Louis Courier et les Bourbons :
Cette psychologie de l’âme religieuse est par trop simpliste. L’histoire, non seulement du christianisme, mais de toutes les religions, atteste que la nature humaine est plus complexe que ne le croit « le bon sens » de Courier. Étranger à tout mysticisme, il ignore ou veut ignorer la vertu de l’ascétisme, chez les croyants en général, et plus particulièrement chez une sélection d’hommes soumis dès l’adolescence à une éducation spéciale qui les prépare au sacerdoce.

« Prostituer sa plume » ! Accusation formidable et aussi malvenue que celle qui situe l’auteur de la 2e réponse aux anonymes au rang de ceux qui, « Étrangers à tout mysticisme », développent une « psychologie de l’âme religieuse… par trop simpliste ». Sur cette question précise, ces deux esprits d’habitude bien inspirés se laissent emporter par leur ardeur à défendre une religion qui leur est probablement chère et se départissent de leur estimable retenue. Ce procès ne serait-il pas l’écho feutré des sourdes mais âpres luttes qui, déclenchées par la Révolution, opposèrent pendant un siècle la nébuleuse de gauche à celle de droite ? C’est une évidence que le clivage entre cléricaux et anticléricaux prend de l’ampleur avec l’affaire Dreyfus dont Gaschet et Desternes sont contemporains. Sans doute est-ce en raison de ce climat que leurs jugements taisent l’attitude résolument réactionnaire de l’Église sous la Restauration et passent sous silence l’ambitieuse entreprise de « rechristianisation » du pays.
L’anticléricalisme de Paul-Louis n’est pas une fin en soi, il est purement stratégique. Il s’agit non de « bouffer du curé » comme le feront les radicaux de la IIIe République ou les tenants de la libre pensée mais de combattre une institution belliqueuse et revancharde dont on sait qu’elle envisagea même de rétablir une juridiction supérieure aux ministres et de nature proche de l’Inquisition4. Cette constante préoccupation de Courier ne constitue pas une innovation ; le prouvent les parentés d’expression entre la mise sur la sellette de l’abbé Mingrat et la fin de la VIIe lettre au censeur5. De plus, n’en déplaisent aux deux biographes du pamphlétaire, celui-ci n’a rien inventé : l’idée selon laquelle les prêtres peuvent contrevenir aux implications de leurs engagements sacerdotaux n’est pas nouvelle, loin de là.

Le célibat remis en cause par des ecclésiastiques


B ien qu’il ne les évoque jamais, Paul-Louis a certainement été attentif aux griefs même des ecclésiastiques sur cette question de la condition sacerdotale. Il est impensable qu’il n’ait pas lu les gens d’Église qui brisèrent des lances contre le célibat des hommes de Dieu. Examinons un peu quelques-uns des auteurs qui puisent leurs inspirations dans la simple humanité et non dans les écrits teintés d’un viscéral anticléricalisme à l’image de ceux de ce « saint athée » d’abbé Meslier6.
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Charles Irénée Castel de Saint-Pierre (1658-1743)
 
Sans remonter à l’infortuné Urbain Grandier dont certaine tradition rapporte qu’il écrivit un libelle contre le célibat, détruit avant impression, cantonnons-nous à ce que le XVIIIe siècle dit de cette question.
Persuadé que cela permettrait de repeupler le royaume de France et d’accroître le nombre de familles vertueuses, l’abbé de Saint-Pierre7 recommanda le mariage des prêtres en décrivant les Avantages que produirait à la société chrétienne la liberté de se marier rendue aux prêtres. Parmi les avantages qu’il trouve à adopter cette mesure, citons, pour se faire une idée des conceptions de l’auteur, par exemple le 7e de ces principes :

Il y a plus de trois quarts des prêtres qui, comme les autres hommes, se marieraient s’ils n’avaient pas promis solennellement de ne se point marier par le vœu du célibat. Une partie de ceux-là scandalisent le prochain par leur conduite vicieuse. Or, s’ils avaient été mariés, ils n’auraient pas causé pareils scandales. Donc la religion y gagnerait, de ce côté-là, la diminution du nombre de scandales que donnent les ministres de l’Église8 .

De tels propos n’attirèrent pas sur lui les foudres du pouvoir religieux mais déclenchèrent chez Voltaire et les encyclopédistes un incontestable intérêt9. Hélas pour lui ! cet ennemi des distinctions de vanité, inventeur inspiré des mots toujours d’actualité « gloriole » et « bienfaisance », s’en prit audacieusement au feu Grand roi dans sa Polysynodie ou la pluralité des conseils parue au printemps 1718. Sans même l’entendre, sur pression de Mme Maintenon, l’Académie française l’exclut à l’unanimité de ses membres, excepté Fontenelle. Le Régent exigea en contrepartie que son fauteuil au sein de l’auguste assemblée restât vacant tant que l’exclus vivrait. L’abbé allait avoir des successeurs plus vifs sur la question du célibat.
Pour la petite histoire, il fut lavé le 16 février 1775 de cette infâme infamie. Ce jour-là, Malesherbes fut reçu à l’Académie française qui l’avait élu le 12 janvier précédent. A cette occasion, D’Alembert lut l'éloge de l'abbé de Saint-Pierre disparu depuis une trentaine d’années. Cet éloge fut imprimé dans l’Histoire des Membres de l’Académie Française, morts depuis 1700 jusqu’en 1771, pour servir de suite aux Éloges imprimés et lus dans les Séances publiques de cette Compagnie, par M. D’Alembert Secrétaire perpétuel de l’Académie Française, Paris, Moutard, 1787.

D’autres hommes d’Église s’engouffrèrent dans la brèche produite par l’abbé exclu de l’Académie.En 1758, persuadé de la nécessité pour l’homme du lien conjugal, l’abbé Jacques Desforges affirma que le mariage des ecclésiastiques n’était jamais que l’imitation de l’union de Jésus-Christ avec « sa chère épouse » l’Église.
Né à Étampes en 1732, surtout connu pour avoir mis au point une machine volante l’année de naissance de Paul-Louis, Desforges n’avait pas la vocation. A en croire ses dires, il fut contraint par ses parents d’embrasser la carrière ecclésiastique. Devenu chanoine de la collégiale Sainte-Croix d’Étampes, il écrivit un sulfureux ouvrage contre le célibat10. Tirés à plus de 2000 exemplaires, les deux petits volumes sans nom d’auteur qui constituent Les Avantages du mariage, et combien il est nécessaire et salutaire aux prêtres et aux évêques de ce temps-ci d’épouser une fille chrétienne déchaînèrent les ires de l’Église qui jugea l’ouvrage « irréligieux et immoral ». Au petit matin du 26 septembre 1758, l’auteur, identifié, s’en alla coucher à la Bastille : quatre jours plus tard, inscrits à l’index, les deux volumes furent publiquement brûlés en place publique sur ordre du Parlement. S’étant engagé à ne pas réitérer ses errements, Desforges quitta la Bastille le 9 mai 1759.
L’abbé n’y était pas allé de main morte comme le prouvent son épître à Louis XV dont voici quelques extraits cités dans les Archives de la Bastille :

Nous nous prosternons au pied de votre trône, suppliant instamment V(otre) M(ajesté) de nous secourir : à ce qu’il soit permis à votre clergé de France, aux évêques et aux prêtres, d’épouser une fille chrétienne, afin que leur fragilité soit garantie des dangers où le célibat les expose sans cesse. Le pape ne sera pas assez inhumain que de vous refuser cette grâce, que V. M. aura la bonté de lui demander pour nous; mais s’il la refusait et s’il était déraisonnable au point de manquer de déférence à V. M., elle y pourrait très bien remédier…
Ah ! grand roi, le plus grand bien que vous puissiez faire à votre clergé c’est la permission d’épouser une fille chrétienne. Tout est possible à V. M. auguste : il ne tient qu’à vous de nous rendre heureux ; il ne tient qu’à vous de nous délivrer de la tristesse où nous avons langui continuellement jusqu’à présent. Votre clémence nous laissera-t-elle toujours en proie aux désirs brûlants qui nous tourmentent sans aucun fruit ? Hélas ! La mort est préférable à une vie triste…

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L'abbé Jacques Maurice GAUDIN
 

Le scandale provoqué par cet ouvrage ne dissuada pas d’autres ecclésiastiques de poursuivre sur le même chemin, à l’exemple de l’abbé Jacques-Maurice Gaudin11. Après un passage chez les Oratoriens, il devint vicaire général de l’évêque de Mariana en Corse. Considérant que la décrétale du pape Sirice instituant en 385 le célibat ecclésiastique n’avait aucune valeur religieuse, il écrivit un essai qui indigna de nouveau l’Église mais lui attira la sympathie du camp des révolutionnaires. Versé sur la connaissance du passé, il n’hésite pas à affirmer non sans risque : « Une observation qui m’a toujours frappé en lisant l’histoire, c’est que le célibat s’accrédite chez toutes les nations à mesure que les mœurs s’y détériorent. »12 Gaudin instruit le procès du célibat avec une extrême sévérité et l’accuse de favoriser les fantasmes et d’inciter au libertinage ainsi qu’à la débauche :

Si comme toutes les autres vertus, la chasteté ne consiste pas seulement dans des actes extérieurs, mais réside dans le cœur et dans la volonté, que gagne-t-on par ces défenses indiscrètes ? Le corps peut bien demeurer chaste, grâce à la contrainte où on le retient, mais le cœur reste encore plus souvent livré à des feux impurs. On sait combien l’inexpérience allume l’imagination. Il suffit qu’un plaisir soit hors de notre protée pour lui prêter mille charmes secrets, dont on n’est désabusé qu’après la jouissance. Pourquoi ceux de l’amour seraient-ils moins sujets à cette illusion ? Aussi remarque-t-on que les célibataires ont, en général, l’imagination plus souillée et le propos plus libertin que les gens mariés. Je n’excepte pas même nos ecclésiastiques de cette règle et le seul exemple de nos casuistes en est une bonne preuve, eux dont la curiosité, toujours inépuisable, sur ce chapitre, se plaît tant à mettre au jour les secrets du lit nuptial, à imaginer à plaisir des monstres qui n’ont jamais existé et à salir les ouvrages de plus d’ordures que toute la licence des passions ne pourra jamais en produire.13

Logique dans sa démarche, il sera élu député de Vendée en 1791, œuvrera pour la suppression des ordres religieux et pour le retrait à l’Église de sa main mise sur l’enseignement. Lui-même se conforma à ses propres principes en convolant en justes noces.
Nombre d’autres religieux œuvrèrent dans le même sens.

L’HÉRITAGE DES LUMIÈRES


L ecteur attentif des Lumières, l’ancien canonnier à cheval est familier de l’Encyclopédie et des écrits de Voltaire sur ce sujet. Laissons de côté le monumental ouvrage de Diderot et D’Alembert : son voisinage idéologique avec les considérations voltairiennes est immédiat. Contentons-nous d’aborder l’influence prépondérante du « roi de Ferney » sur la pensée de Courier.
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Voltaire (1694-1778)
d'après Nicolas de Largillière (Institut et musée Voltaire)
 
A l’article « clerc », l’auteur de cette machine de guerre contre la religion qu’est le Dictionnaire philosophique, avec la malice que nous lui connaissons, rend compte des raisons pratiques qui conduisirent l’Église institutionnelle à sacraliser le célibat. On trouvera en note quelques extraits de l’article détaillé qu’il consacre au célibat des clercs14. Ne retenons de ces interminables considérations que cette accusation assassine, évident écho de la douloureuse interrogation de l’abbé Desforges sur ces désirs brûlants qui nous tourmentent sans aucun fruit.

Que Courier ait eu ou non connaissance des écrits de l’abbé, il fit son miel de cette accusation voltairienne : Quoi qu’il en soit, depuis le concile de Trente il n’y a plus de dispute sur le célibat des clercs dans l’Église catholique romaine ; il n’y a plus que des désirs.

L’influence du Dictionnaire philosophique ne s’arrête pas là. Dans le catéchisme du curé, s’instaure un dialogue entre Ariston et le curé de campagne Téotime15. Le premier évoque la question du célibat :

ARISTON

N’êtes-vous pas fâché de n’avoir point de femme? Ce serait une grande consolation ; il serait doux, après avoir prôné, chanté, confessé, communié, baptisé, enterré, consolé des malades, apaisé des querelles, consumé votre journée au service du prochain, de trouver dans votre logis une femme douce, agréable, et honnête, qui aurait soin de votre linge et de votre personne, qui vous égaierait dans la santé, qui vous soignerait dans la maladie, qui vous ferait de jolis enfants dont la bonne éducation serait utile à l’État. Je vous plains, vous qui servez les hommes, d’être privé d’une consolation si nécessaire aux hommes.

TÉOTIME

L’Église grecque a grand soin d’encourager les curés au mariage; l’Église anglicane et les protestants ont la même sagesse; l’Église latine a une sagesse contraire, il faut m’y soumettre. Peut-être aujourd’hui que l’esprit philosophique a fait tant de progrès, un concile ferait des lois plus favorables à l’humanité. Mais en attendant, je dois me conformer aux lois présentes: il en coûte beaucoup, je le sais mais tant de gens qui valaient mieux que moi s’y sont soumis, que je ne dois pas murmurer16.

Dans la version de sa lettre adressée le 2 octobre 1806 à M. de Sainte-Croix et que Sautelet date du 12 septembre de la même année, Courier écrit avec le sens de l’antiphrase dont il est coutumier :

Ce n’est pas sans raison qu’on a nommé ceci [la Calabre] l’Inde de l’Italie. Les bonzes aussi n’y manquent pas. C’est le royaume des prêtres, où tout leur appartient. On y fait vœu de pauvreté pour ne manquer de rien, de chasteté pour avoir toutes les femmes. Il n’y a point de famille qui ne soit gouvernée par un prêtre jusque dans les moindres détails…17

Comment ne pas voir combien est permanente cette conviction de Paul-Louis selon laquelle la chasteté est nocive et dangereuse ? Il en dit quelques mots dans la VIe Lettre au Censeur :
tout le monde se marie. Les jeunes gens prennent femme dès qu’ils pensent savoir ce que c’est qu’une femme. Peu font vœu de chasteté, parce qu’un pareil vœu sent le libertinage…18
laquelle lettre s’achève par ce constat que, de retour d’émigration, le doux prêtre de naguère s’est transformé par haine de la Révolution en espèce de hussard en soutane, dont le hardi regard fait rougir les jeunes filles…

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L'anticléricalisme
 
Le pamphlétaire n’a rien inventé, il est l’héritier d’une tradition anticléricale par lui rencontrée dans les grands textes humanistes de la Renaissance, ceux des contestataires ecclésiastiques du célibat et chez les Lumières. Cette tradition perdurera puisqu’elle s’incarnera, par exemple en un chansonnier comme Gaston Couté, poète anarchiste, fin connaisseur du monde paysan19. L’auteur de la 2e Lettre aux anonymes connaît également les avancées de la Révolution dans ce domaine, même si la principale mesure en ce sens fut prise sous la Terreur dont il n’avait guère apprécié les excès. Le décret du 15 novembre 1793 ne stipula-t-il pas que tout prêtre qui se mariait, assermenté ou non, échapperait à la déportation et donc à la mort ?
L’affaire Mingrat permet à Paul-Louis de prendre place dans la tradition critique à l’endroit de l’Église. Redonnons donc son sens au texte controversé qui prend cette affaire comme paradigme, tant il est assuré que Courier eût utilisé tout autre fait divers, fût-il dépourvu de caractère atroce, pour s’en prendre à la religion. C’est bien pour cette raison que, dans une lettre à sa femme du 19 novembre 1821, il écrit : Je pense que le confesseur pourrait bien être le premier qui aurait gâté L. si j’en avais les preuves ce serait un beau texte20.
Il faut croire que cet épisode tourna court ou qu’il fut étouffé. Aussi Paul-Louis réagit-il immédiatement, comme pour l’affaire de Luynes, lorsqu’il apprend ce qui avait eu lieu six mois plus tard en Isère21.

En fait, libre d’esprit, révulsé par l’insolence des prêtres et la volonté affichée de l’Église d’assujettir les consciences, Paul-Louis renoue avec le mot d’ordre de Voltaire : « Écrasez l’infâme ». Il le fait à sa manière, c’est-à-dire en restant fidèle aux faits et en refusant de s’engager sur le glissant terrain du sarcasme, de la quasi injure ou de l’outrance dont il avait fait preuve en moquant avec dureté del Furia ou Jomard. Tout polémiste sait que discréditer la cause défendue est une maladresse aux conséquences irréparables et qui, notamment, va à l’encontre des buts assignés. Aussi Paul-Louis n’accable-t-il pas l’assassin en qui il voit également une victime, celle d’une exigence non naturelle donc inhumaine. Cette prise en compte de la souffrance d’un bourreau-victime est l’indiscutable indice que l’anticléricalisme de Courier est tout sauf primaire et confère forte vérité au jugement formulé par Anatole France évoquant la figure de Courier dans son discours du 8 septembre 1918 à la Chavonnière : On y trouve peu de doctrine, point de système, mais beaucoup de raison et d’humanité.

L’affaire Mingrat : une caisse de résonnance et de raisonnance


T rouvant un écho dans l’inconscient collectif, réactivant le vieux fond anticlérical qui habite les campagnes que la religion prétend de nouveau régenter, le nom de Mingrat est jeté dans l’arène publique par la presse libérale. A ce sujet, les démêlés du journal d’opposition Le Constitutionnel avec le pouvoir politique sont hautement révélateurs. Fondé en 1815, organe dans lequel Thiers fit ses premières armes, ce journal est poursuivi l’année même de la disparition de Paul-Louis Courier pour avoir prétendument « (porté) atteinte au respect de la religion et de l’État. » En fait, le quotidien qui avait consacré en 1823 et 1824 plusieurs notes littéraires et politiques à Paul-Louis22 et annonçait un factum de Paul-Louis dans son n° du 23 février 182523 avait tout bonnement attiré l’attention de ses lecteurs sur un certain nombre d’actes répréhensibles récemment commis par certains membres du clergé. Lors de la deuxième audience qui se déroula le 26 novembre 182524 devant la cour royale de Paris, l’avocat de la défense André Dupin dit Dupin l’Aîné25 prononça un plaidoyer fleuve de trois heures devant une salle bondée. Faut-il rappeler que sous la Restauration, quatre lieux concentrent les débats dont bouillonne la société française, la Chambre des députés, la Cour d’assises, la presse, les cabarets ? Dans la deuxième s’affrontent entre eux les ténors du barreau qui rivalisent d’éloquence et d’effets de manche et les opposants à l’ordre établi aux représentants patentés de celui-ci. Elle constitue une superbe caisse de résonance de tout ce qui agite la société de soubresauts politiques. Dans sa plaidoirie, il était inévitable que Dupin abordât l’affaire Mingrat. Voici ce qu’il en dit :
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André Dupin, avocat et homme politique (1783-1865)
L’acte d’accusation ne convient-il pas lui-même que, parmi les faits de ce genre, plusieurs sont vrais ? […] N’est-il pas d’une affreuse certitude, l’attentat commis par le curé Mingrat ? N’a-t-il pas dès lors été permis d’annoncer le crime de Mingrat comme celui de Papavoine23 ? On l’a pu, on l’a dû, et l’on est parvenu à le forcer à la fuite, on a purgé le sol français de sa présence. […]
Mais les crimes de Mingrat sont-ils de ceux qu’on empoisonne, et qu’on ait besoin d’envenimer pour les rendre plus odieux ? N’est-ce pas surtout en présence de l’impunité, et tant qu’elle dure, qu’il importe de redire le crime, pour effrayer le coupable, et faire honte du moins à ses protecteurs ? Oui, messieurs, il est permis, il est du devoir des écrivains de dire toujours et de répéter sans cesse : Mingrat ! Mingrat ! jusqu’à ce que le pays, la loi et la justice aient obtenu satisfaction.27


Baignée de l’émotion que constituaient les récentes obsèques du général Foy, la troisième audience opposa le 3 décembre 1825, Dupin à l’avocat général Jacques de Broë – que l’Histoire aurait oublié s’il n’avait rencontré Paul-Louis sur son chemin de magistrat zélé, les rédacteurs du Constitutionnel furent appelés à faire preuve de retenue et le journal fut acquitté.

Hommes politiques d’une part, journalistes et pamphlétaires de l’autre, raisonnent et rivalisent des deux côtés de l’échiquier politique. Ils sont les deux faces de la même médaille et garantissent le fonctionnement des rouages de la société française dont la disparition de Napoléon a libéré le mécanisme. La presse est redoutable. Aussi convient-il de la surveiller de près, au besoin, de la museler au moyen de la censure ou de la condamnation. Son pouvoir vient en particulier de la qualité des écrits de ceux qui la font. Journaux de gauche comme de droite savent s’attirer des collaborateurs de qualité. C’est bien pourquoi le Censeur accueillit à bras ouverts les lettres de Paul-Louis pendant les neuf mois qui précédèrent l’assassinat du duc de Berry.
Dans cet affrontement entre forces antagonistes, trop belle était l’occasion. Une fois de plus, Paul-Louis s’y montra maître de l’exploitation du « hic et nunc », de l’ « ici et maintenant » ; il l’avait déjà prouvé avec la souscription pour le château de Chambord et la plaidoirie pour la cause des villageois interdits de danse et exprima explicitement ce principe dans le Pamphlet des pamphlets28. Quand éclate l’affaire Mingrat il la saisit au vol et la traita à sa façon c’est-à-dire avec toute la hauteur requise esquissée au début de notre réflexion. Il prit la précaution de faire imprimer son pamphlet prétendument à Bruxelles, chez Demat. En fait, il fit certainement appel à un imprimeur parisien clandestin…
Ce texte et l’affaire qu’elle contribua à immortaliser laisseront durables traces et traverseront même le siècle. Flaubert, par exemple, n’y fait-il pas naturellement allusion ? Dans sa lettre du 13 novembre 1879 à Maxime du Camp, il écrit : Je ne défends nullement le darwinisme, n'ayant pour cela aucune compétence. Seulement je maintiens qu'il est innocent de Lebiez, tout comme le catholicisme l'est de Mingrat ou de Lacolonge29.

Il n’est donc pas abusif de prétendre qu’avec la 2e réponse aux anonymes, Paul-Louis mit de l’huile, et quelle huile ! sur un feu qui ne devait jamais s’éteindre le siècle durant et dont les flammes seront périodiquement ravivées par l’irrépressible montée de l’anticléricalisme30. C’est particulièrement vrai pour 1830, année où la bourgeoisie libérale installa Louis-Philippe sur le trône. Soucieux de donner des gages à ceux qui l’avaient porté au pouvoir, le nouveau roi appliqua strictement le Concordat de 1801 ; ce faisant, alors qu’elle avait été réaffirmée comme religion d’État par la Restauration, la religion catholique cessait de l’être. Les prêtres ne s’y trompèrent pas qui ne nommèrent jamais dans leurs prières lors des offices le nom du souverain jusqu’au moment où la hiérarchie catholique en jugea autrement. Dans cette sourde lutte, Mingrat prend valeur de symbole. En octobre 1830, pour user et oser d’un anachronisme, cette « affaire Dreyfus inversée » - mais sans l’implication de l’armée et avec un incontestable coupable - fut adaptée pour la scène non sans quelques entorses à la vérité par Ferdinand Laloue et Henri Villemot sous le titre Le Curé Mingrat. Jouée trois fois seulement au Cirque Olympien, la pièce mettait en scène Mingrat violant une femme, l’assassinant puis la jetant dans un torrent avec la complicité d’une autre femme, sa servante et concubine ! Cette équivoque représentation d’un crime aussi sordide fut violemment sifflée. L’interdiction suivit dans la foulée. Nul, d’un bord comme de l’autre, ne se trompa sur l’exploitation politique d’un crime où la religion était impliquée. L’affaire fut également l’origine de nombreuses complaintes, caricatures et libelles contre l’Église d’abord, la monarchie ensuite.
Victor Hugo lui-même s’en souviendra qui rappelle l’existence de ce patronyme honni dans cinq poèmes des Châtiments tels Le sacre dans lequel il écrit :

     Mingrat monte à sa chaire,
     Paris tremble, ô douleur, ô misère !
     Mingrat monte à sa chaire,
     Et dit, sonnant le glas.…


Hugo avait également retenu ce noir patronyme dans son Juin de L’année terrible31 et dans la rédaction des Misérables pour le livre de Marius dans l’un des nombreux chapitres qu’il écartera :
On voit des profondeurs ; on entend l’écume d’un torrent vers lequel Mingrat se dirige portant un sac ; quelque chose passe par un trou du sac, c’est un pied de femme.32

A quelles sources Paul-Louis Courier puisa-t-il pour écrire sa 2e réponse aux anonymes ? On l’ignore. Comme pour la Pétition aux deux chambres, il n’invente rien ni ne noircit les faits, preuve qu’il disposa d’informations de première main. Ces événements atroces et leurs retombées politiques étant depuis longtemps oubliés, il nous paraît utile de fournir à nos lecteurs quelques éléments objectifs sur cette sordide affaire aux nombreuses retombées.

Les faits et leurs suites


A ntoine Mingrat est l’un des trois enfants d’un artisan charron enclin à la boisson et d’une mère notoirement dévote. Le couple vivait au Grand Lemps, village proche de Saint-Quentin, en Isère. L’un des fils étant mort en bas âge, la mère aspira à ce que ses deux fils entrassent dans la dignité ecclésiastique. Grâce à l’appui d’une dame influente, elle obtint qu’Antoine partît pour le séminaire de Grenoble avant que son frère ne suivît son exemple33. Véritable colosse, le futur prêtre était doté d’une force herculéenne, ce qui le faisait craindre de ses pairs attirés par une vocation sincère et nettement plus doués que lui pour les études théologiques34.
Sa première nomination l’affecta à la cure de Saint-Aupre (que Paul-Louis orthographie Saint-Opre). Il quitta ce poste prématurément, la rumeur publique colportant que la naissance de plusieurs enfants - dont plusieurs mort-nés inhumés dans le cimetière de la paroisse - de certaines parmi ses jeunes paroissiennes résultait de ses œuvres… Paul-Louis se fait d’ailleurs l’écho de cette accusation. Il est également vrai que courait déjà le bruit qu’il avait fait disparaître l’une de ses pénitentes qu’il confessait à sa manière qui n’était pas celle attendue d’un pasteur habituel35
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Saint-Quentin (Isère)
 
Au début de l’année 1822, passé l’âge de 27 ans, ce piètre ecclésiastique fut nommé curé de Saint-Quentin. Voulut-il faire oublier la mauvaise impression par lui laissée dans son premier poste ? Toujours est-il qu’il affecta d’entrée de jeu d’afficher masque sévère du prêtre intransigeant sur le chapitre des mœurs. Il se singularisa notamment en interdisant jeux et danse, en exigeant fermeture des cabarets jours de fête ou d’offices à l’exemple de l’abbé Bruneau, presqu’au même moment à Azay-sur-Cher ou de beaucoup d’autres membres zélés du clergé.
Cinq années auparavant, de retour de l’armée, Etienne Charnalet épousa à Saint-Quentin une jeune fille du nom de Marie Gérin. Le couple s’établit dans cette paroisse. Âgée de 26 ans au moment du crime, la jeune femme, fort belle et très dévote, venait depuis peu de perdre sa mère. Ce deuil l’amena à fréquenter plus encore les offices religieux. Mingrat la remarqua et ses sens assoupis se rallumèrent. La tentation trop forte l’amena au pire36. L’innommable commis, il se débarrassa des membres puis du reste du corps en les confiant aux flots de l’Isère.
Le lendemain matin, le village était en ébullition. Informé de la tournure prise au bout de quelques jours par les témoignages qui accusaient le desservant de Saint-Quentin et que l’adjoint au maire Bossan collectait scrupuleusement, le curé de Tullins, supérieur de Mingrat réagit. Il enjoignit à l’assassin, par l’intermédiaire de son vicaire spécialement dépêché à cet effet, de fuir pour se réfugier en Savoie37, redevenue possession du roi de Piémont-Sardaigne Victor-Emmanuel Ier par le traité de Paris du 20 novembre 1815. Mingrat fut recherché par les polices française et sarde. La gendarmerie sarde l’arrêta. Il fut écroué à vie dans la forteresse de Fenestrelle, située non loin de Pignerol, à quelque soixante-dix kilomètres à l’ouest de Turin. Quoique condamné à mort par contumace, l’assassin ne fut jamais extradé sans doute en raison d’interventions occultes en haut lieu. Avant même le procès de l’accusé, Stendhal se fait l’écho de cette protection dans sa lettre du 18 octobre 1826 qui ne parut dans la presse anglaise qu’en novembre de la même année38 :

Vous vous souvenez certainement en Angleterre de l’affaire du curé Mingrat : j’y ai fait allusion dans mes lettres précédentes. Aucun événement de ce genre n’avait jamais suscité autant d’intérêt en France : il a fait le sujet d’un pamphlet de Paul-Louis Courier. Après l’assassinat de sa victime, Mingrat s’enfuit au Piémont, et le roi de Sardaigne qui, en 1816, avait ordonné dans son royaume l’arrestation de Didier, accusé de trahison, lança un mandat d’arrêt contre le meurtrier Mingrat. Malgré les nombreuses intrigues de l’évêque, la cour royale de Grenoble condamna Mingrat à mort par contumace.

Il y allait de la réputation de l’Église et celle-là ne barguignait pas avec celle-ci, quitte à opter délibérément pour l’injustice et à porter de l’eau au moulin de l’anticléricalisme. Ce dernier ne manqua pas une occasion de mettre du sel sur la plaie à la façon des journaux parisiens qui, dans leur édition du 24 novembre 1833 rappelèrent de quel soutien bénéficiait Mingrat :

Mingrat, ce prêtre assassin, dont chacun sait l’histoire, est toujours dans la forteresse de Fenestrelles (Piémont). Nous apprenons, de manière à n’en pouvoir douter, qu’indépendamment des dons du gouvernement paternel de Charles-Albert, ce misérable reçoit encore une indemnité annuelle de 500 fr. que lui fait le clergé de Grenoble ; protection vraiment édifiante du trône et de l’autel, à l’aide de laquelle un prêtre assassin, bravant la justice humaine, jouit encore dans sa retraite de toutes les douceurs de la vie sociale ; et si MM. Du clergé étaient tentés de nier le fait avancé, nous ajouterions que la rétribution de 500 fr., versée dans une maison de banque de cette ville, parvient à sa destination au moyen de deux mandats semestriels de 250 fr., mis à l’ordre du commandant du fort de Fenestrelles. En recherchant d’où pouvaient provenir les fonds affectés à un aussi scandaleux emploi, nous n’avons pas été médiocrement étonnés d’apprendre que les 500 fr. en question sont pris aux prêtres du diocèse, sous prétexte d’assurer une retraite ou des secours aux ecclésiastiques âgés ou infirmes.

Bien des ouvrages évoquèrent cette affaire, n’omettant pas d’y adjoindre quelques-unes des pièces officielles du dossier d’instruction. Nous en reproduisons les deux plus importantes.

Le procès se déroula à Grenoble le 9 décembre 1822 et fit tant de bruit dans les milieux libéraux que Paul-Louis en eut connaissance et se mit immédiatement en condition de rédiger un pamphlet à partir de cette affaire. Dans son jugement, la Cour d’assises déclara Antoine Mingrat coupable d’assassinat sur la personne de Marie Gérin, femme Charnalet, dans la nuit du 8 au 9 mai 1822 mais non coupable de l’accusation de viol sur cette même personne.
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Palais de justice de Grenoble (Isère)
 
Savoir l’assassin sain et sauf de l’autre côté de la frontière détermina le frère de la victime à œuvrer pour obtenir son extradition. Gérin était d’autant plus motivé dans son entreprise qu’une rumeur, très tôt colportée dans le village, laissait entendre que le mari était certainement l’assassin. Bientôt devenue cabale, cette insinuation dont Paul-Louis se fit explicitement l’écho, fut habilement reprise en chaire par l’abbé Bochard39, vicaire général du diocèse de Lyon, pour tenter de faire passer Mingrat pour martyr de la cause de l’Église.
Le maire de Saint-Quentin envoya un placet au roi. Louis XVIII demanda au garde des Sceaux de s’occuper de cette question. Mais rien ni personne ne bougea. Gérin saisit alors la Chambre des députés en la personne de Casimir Périer. Pas de succès là non plus. S’étant enfin adressé à la Chambre des pairs avec un piètre résultat, il décida de faire imprimer une brochure dénonçant et l’affaire Mingrat et le silence complice de l’Église. Son épouse et lui exerçaient la profession de bijoutiers ambulants ; ils sillonnaient la France pour vendre leurs bijoux. Ils profitèrent de leurs déplacements pour proposer aux curieux une publication dépourvue d’imprimatur : Précis historique sur Mingrat, assassin de Marie Gérin, femme Charnalet. Le 24 juillet 1826, Gérin et sa femme s’installèrent à Niort. Là, en l’absence de son mari, la femme Gérin eut affaire au commissaire de police déféré par le préfet des Deux-Sèvres pour saisir les exemplaires de la brochure détenus par le couple Gérin. Ulcérée par cette démarche d’intimidation, la belle-sœur de la victime de Mingrat refusa de déférer aux demandes du commissaire. La discussion s’envenima et les deux parties s’enflammèrent. Force restant toujours à la loi, Mme Gérin purgea une peine de prison de quinze jours, puis son époux de trois. La plupart du temps, la population excédée par les outrances du pouvoir et de l’Église acclamait le couple lorsqu’il s’installait dans une ville pour vendre ses bijoux.
Gérin fut poursuivi pour vente sans brevet d’une notice sur le curé Mingrat. Il fut condamné par défaut à 500 F d’amende par le tribunal correctionnel de Nantes le 8 août 1826. Cette sentence fut confirmée en appel, le 3 février 1827, par la Cour royale de Rennes.
Dans la Pétition aux deux Chambres, s’inspirant de Racine40, Paul-Louis avait prophétiquement écrit dix ans plus tôt : Quelque part que je tourne les yeux, je ne vois que le crime triomphant, et l’innocence opprimée.
On imagine ce qu’il eût pu tirer de cette nouvelle affaire s’il n’avait été assassiné.

Aux antipodes du Constitutionnel, un journal catholique d’abord et toujours, monarchiste ensuite : L’Ami du roi et de la religion. Muet sur l’affaire Mingrat, il l’évoque à l’occasion de l’affaire Gérin qui lui est inextricablement mêlée :

Tout le monde a gémi de l’horrible affaire du malheureux Mingrat, et si nous n’en avons point entretenu nos lecteurs, ils en ont pénétré le motif. Ils savent que nous ne rendons point compte ordinairement de ces crimes dont trop de journaux recueillent les détails. Ici, les faits étaient si atroces, que l’imagination en était épouvantée, et cependant il semble que certaines gens éprouvent quelque plaisir à les raconter et à en répandre la connaissance parmi le peuple. Des estampes, des complaintes, des brochures, sont destinées non seulement à présenter le crime dans toute sa noirceur, non seulement à appeler l’horreur et l’indignation contre le coupable, mais à flétrir et à rendre odieux tous ceux qui portent le même habit qu’il a déshonoré. Il se trouve des gens qui colportent de ville en ville des écrits qui ont le double inconvénient de familiariser le peuple avec l’idée du crime, et d’appeler la haine sur une classe de citoyens. Ces distributions ont donné lieu à un procès qui a eu lieu dernièrement à Niort. Le sieur Gérin, frère de la malheureuse victime de Saint-Quentin, et qui prend le titre de bijoutier de Paris, étant arrivé à Niort, s’y occupait moins de commerce de bijouterie que de répandre un Précis historique sur Mingrat. Gérin n’ayant ni le titre ni le brevet de libraire, le préfet donna l’ordre de saisir la brochure, dont le ton annonçait plutôt encore le projet de fléchir tous les prêtres que le sentiment d’une juste indignation contre l’auteur d’un crime horrible. La femme Gérin non seulement s’opposa à la saisie, mais s’échappa en injures contre le commissaire de police […]. Elle fut conduite en prison. Exhalant, dit le Journal des Deux-Sèvres du 28 octobre, exhalant son ressentiment contre Mingrat en présence des autres prisonniers, elle confondait dans ses discours, comme elle confond dans sa haine, la religion, les prêtres qui la prêchent, les fidèles qui la pratiquent, les magistrats qui répriment les écarts de ses ennemis, enfin tous ceux que l’imagination enflammée d’une femme furieuse lui montre comme des complices ou des fauteurs de crime. […] le Constitutionnel du 30 septembre n’a pas manqué de s’emparer d’un si beau sujet de déclamations ; il a pris sous sa protection la bonne et douce Mme Gérin…41

Abstenons-nous de commenter l’expression le « malheureux Mingrat » ; elle est suffisamment explicite pour qu’il ne soit pas utile de s’y attarder. Revenons plutôt à Stendhal et prolongeons son allusion à l’affaire pour son correspondant anglais. Le passage commencé continue par ces termes :

M. Génin42, négociant et frère de la malheureuse femme, écrivit un livre dans lequel il raconte dans un langage ampoulé le sort tragique de sa sœur. L’objet de ce livre était d’amener le ministère français à exiger du roi de Sardaigne qu’il lui livrât Mingrat, mesure parfaitement légale puisqu’il avait été condamné par la cour royale de Grenoble. Non seulement le livre n’a pas réussi à faire obtenir l’arrestation du meurtrier, mais il a provoqué l’arrestation du frère de la victime. M. Génin, qui avait fait imprimer son livre près de Valence, dans le Dauphiné, à quinze ou vingt lieues de l’endroit où le crime avait été commis, a été arrêté, ainsi que sa femme. Selon la déclaration de Mme Génin, pleinement confirmée par son insertion dans la Gazette des tribunaux, des prêtres ont pénétré dans sa prison et l’ont menacée de la plus odieuse façon. Le signal ainsi donné, M. Génin va être persécuté par tous les petits fonctionnaires du département. C’est un négociant et son crédit va en souffrir ; beaucoup de gens, constatant qu’il est mal vu du gouvernement, refuseront d’avoir affaire à lui. Ainsi, le voilà probablement un homme ruiné. Il ne lui reste qu’une seule ressource, c’est de venir se fixer à Paris. Là, la peur de six journaux dont l’existence représente tout ce dont nous jouissons en fait de liberté de presse, donne un prétexte à M. de Villèle pour résister aux mesures injustes auxquelles le pousse le parti dévot…

On savait la communauté de vue de Paul-Louis et Henri Beyle sur bien des points. Est-il nécessaire d’ajouter que ce qui précède le confirme ?


N.B. Nous avons conservé orthographe et ponctuation d’origine dans les pièces de la procédure qu'accompagnent quelques notes. Quand celles-ci émanent de nous, elles sont en italique, dans le cas contraire, elles sont en caractère romain.

Jean-Pierre Lautman




[1] Cette affaire a déjà été abordée dans les Cahiers PLC par Maurice Paz, n° 5, juin 1981.  Note1
[2] Œuvres complètes, La Pléiade, p. 918.  Note2
[3] Dernière de l’édition de 1828, cette note figure dans nombre d’éditions antérieures des œuvres complètes mais n’a pas été reprise dans la Pléiade.  Note3
[4] Gaschet le signale. Ouvrage cité, p. 200.  Note4
[5] Dans la VIIe lettre au Censeur (la Pléiade, p. 29), on lit :
Bref, l’abbé s’en alla encore cette fois ; et de retour en France, depuis quelques années, il y prêche les bonnes mœurs et la restitution.
Dans la 2e réponse aux anonymes (la Pléiade, p.156) Paul-Louis écrit :
Ami du temps passé d’ailleurs, il [Mingrat] prêchait les vieilles mœurs à l’âge de vingt ans, la restauration, la restitution…  Note5
[6] Curé d'Étrépigny et de But dans ses Ardennes natales à la fin du XVIIe siècle et au début du suivant, Jean Meslier, apprécié de ses ouailles, s’attira les réprobations de son évêque pour vivre en concubinage notoire et tancer les grands du haut de sa chaire. Voltaire fut le propagateur de ses écrits matérialistes et sulfureux.  Note6
[7] Formé chez les jésuites, Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre (1658-1743) fut élu à l’Académie française en 1695. Il mourut à l’âge canonique de 85 ans le 29 avril 1743. Il avait été 1er aumônier de la mère du Régent, la princesse Palatine, dont la liberté d’esprit et de parole fut respectée par son royal beau-frère.
Voltaire rendit hommage à l’abbé sous l’appellation « Certain législateur » dans le 7e discours sur la vraie vertu où on lit :
     Certain législateur dont la plume féconde
     Fit tant de vains projets pour le bien de ce monde,
     Et qui depuis trente ans écrit pour des ingrats,
     Vient de créer un mot qui manque à Vaugelas:
     Ce mot est bienfaisance: il me plaît; il rassemble,
     Si le cœur en est cru, bien des vertus ensemble…  Note7
[8] Cité par Gustave de Molinari, L’abbé de Saint-Pierre : membre exclu de l’Académie, sa vie et ses œuvres, Félix Alcan, Paris, 1857, pp. 257-258.  Note8
[9] Évoquant ce qu’il appelle le credo de l’abbé de Saint-Pierre, Voltaire fait entre autres dire à l’ecclésiastique : Je crois que tous les prêtres qui desservent une paroisse pourraient être mariés comme dans l’Église grecque, non seulement pour avoir une femme honnête qui prenne soin de leur ménage, mais pour être meilleurs citoyens, donner de bons sujets à l’État, et pour avoir beaucoup d’enfants bien élevés.
Dictionnaire philosophique, par Voltaire, Cosse & Gaultier-Laguionie, Paris, 1838, p. 889.  Note9
[10] Avantages du mariage et combien il est nécessaire et salutaire aux prêtres et aux évêques de ce temps-ci d’épouser une fille chrétienne, deux volumes in 12°, Bruxelles, 1758. L’abbé mourut en 1792.  Note10
[11] Membre de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon depuis 1780, l’abbé Gaudin (les Sables d’Olonne 1740-la Rochelle 1810) est l’auteur de Les inconveniens du célibat des prêtres, prouvés par des recherches historiques, Genève [Lyon], 439 pages, J.-L. Pellet, 1781.  Note11
[12] Les inconveniens du célibat…, p. 9.  Note12
[13] Ibid., pp. 246-248.  Note13
[14] Du célibat des clercs On demande si dans les premiers siècles de l’Église le mariage fut permis aux clercs, et dans quel temps il fut défendu.
Il est avéré que les clercs, loin d’être engagés au célibat dans la religion juive, étaient tous au contraire excités au mariage, non seulement par l’exemple de leurs patriarches, mais par la honte attachée à vivre sans postérité. […]
Les prêtres de Cybèle non seulement faisaient vœu de chasteté, mais de peur de violer leurs vœux ils se rendaient eunuques.
Plutarque, dans sa huitième question des propos de table, dit qu’il y a des collèges de prêtres en Égypte qui renoncent au mariage.
Les premiers chrétiens, quoique faisant profession d’une vie aussi pure que celle des esséniens et des thérapeutes, ne firent point une vertu du célibat. Nous avons vu que presque tous les apôtres et les disciples étaient mariés. Saint Paul écrit à Tite : « Choisissez pour prêtre celui qui n’aura qu’une femme ayant des enfants fidèles et non accusés de luxure. »
Il dit la même chose à Timothée : « Que le surveillant soit mari d’une seule femme. »
Il semble faire si grand cas du mariage, que dans la même lettre à Timothée, il dit : « La femme ayant prévariqué se sauvera en faisant des enfants. »
Ce qui arriva dans le fameux concile de Nicée au sujet des prêtres mariés mérite une grande attention. Quelques évêques, au rapport de Sozomène et de Socrate, proposèrent une loi qui défendît aux évêques et aux prêtres de toucher dorénavant à leurs femmes; mais saint Paphnuce le martyr, évêque de Thèbes en Égypte, s’y opposa fortement, disant que « coucher avec sa femme c’est chasteté; » et son avis fut suivi par le concile. […]
Enfin, après plus d’un concile tenu inutilement sur le célibat qui devait toujours accompagner le sacerdoce, le pape Grégoire VII excommunia tous les prêtres mariés, soit pour rendre l’Église plus respectable par une discipline plus rigoureuse, soit pour attacher plus étroitement à la cour de Rome les évêques et les prêtres des autres pays, qui n’auraient d’autre famille que l’Église.
Cette loi ne s’établit pas sans de grandes contradictions.
C’est une chose très remarquable que le concile de Bâle ayant déposé, du moins en paroles, le pape Eugène IV, et élu Amédée de Savoie; plusieurs évêques ayant objecté que ce prince avait été marié, Énéas Silvius, depuis pape sous le nom de Pie II, soutint l’élection d’Amédée par ces propres paroles: « Non solum qui uxorem habuit, sed uxorem habens potest assumi. — Non seulement celui qui a été marié, mais celui qui l’est peut être pape. »
Ce Pie II était conséquent. Lisez ses Lettres à sa maîtresse dans le recueil de ses œuvres. Il était persuadé qu’il y a de la démence à vouloir frauder la nature, qu’il faut la guider, et non chercher à l’anéantir.
Quoi qu’il on soit, depuis le concile de Trente il n’y a plus de dispute sur le célibat des clercs dans l’Église catholique romaine ; il n’y a plus que des désirs.
Toutes les communions protestantes se sont séparées de Rome sur cet article.
Dans l’Église grecque, qui s’étend aujourd’hui des frontières de la Chine au cap de Matapan, les prêtres se marient une fois. Partout les usages varient, la discipline change selon les temps et selon les lieux. Nous ne faisons ici que raconter, et nous ne controversons jamais.
     Dictionnaire philosophique, par Voltaire, Cosse & Gaultier-Laguionie, Paris, 1838, pp. 289 et 290.  Note14
[15] Téotime est orthographié Théotime dans d’autres éditions. « Théo » renvoie implicitement au grec Θεός, concept qui exprime le divin.  Note15
[16] Dictionnaire philosophique, par Voltaire, Cosse & Gaultier-Laguionie, Paris, 1838, pp. 337.
Dans cette même page, par la bouche de Téotime, Voltaire égratigne également la confession : La confession est une chose excellente, un frein aux crimes, inventé dans l’antiquité la plus reculée; on se confessait dans la célébration de tous les anciens mystères nous avons imité et sanctifié cette sage pratique: elle est très bonne pour engager les cœurs ulcérés de haine à pardonner, et pour faire rendre par les petits voleurs ce qu’ils peuvent avoir dérobé à leur prochain. Elle a quelques inconvénients. Il y a beaucoup de confesseurs indiscrets, surtout parmi les moines, qui apprennent quelquefois plus de sottises aux filles que tous les garçons d’un village ne pourraient leur en faire. Point de détails dans la confession; ce n’est point un interrogatoire juridique, c’est l’aveu de ses fautes qu’un pécheur fait à l’Être suprême entre les mains d’un autre pécheur qui va s’accuser à son tour. Cet aveu salutaire n’est point fait pour contenter la curiosité d’un homme.  Note16
[17] Correspondance générale de Paul-Louis Courier, tome 1, p. 262, par Geneviève Viollet-le-Duc. On sait, combien si exigeant sur la qualité du style, Paul-Louis rédigeait fréquemment plusieurs versions de certaines lettres en vue de sélectionner la meilleure à ses yeux pour publication dans le Recueil des cent lettres.  Note17
[18] La Pléiade, p. 23.  Note18
[19] Membre de la Muse Rouge comme Eugène Bizeau, Gaston Couté (1880-1911) fut le témoin de la disparition du monde de la meunerie qui avait connu de fastes heures en région orléanaise. Il brocarda l’armée, l’Église et les « bourgeoisiaux » en de nombreux poèmes et chansons. Dans l’une d’elle, L’aumône de la bonne fille, parlant d’un « traîneux » qui, de passage dans un village, y cherche à manger, il écrit dans son parler savoureux, non sans malignité :
Alla cougner au presbytère
Dans l’espoir que l’on y dounn’rait
Queuqu’s sous de d’ssus l’tronc d’la misère ;
Mais l’curé, qu’était’cor guill’ret,
Confessait eune pécheresse
Qu’avait moins d’péchés que d’joliesse ;
Et l’pauv’ peineux eut bieau gémir,
Parsonn s’am’na pour li’ ouvrir !
 Note19
[20] Correspondance générale, Geneviève Viollet-le-Duc, tome 3, p. 325.  Note20
[21] Geneviève Viollet-le-Duc cite une curieuse lettre relative au mariage des prêtres attribuée à Paul-Louis in 3e tome de la Correspondance générale, p. 355. Voici le début de cette lettre :
J’ai connu un bon prêtre qui avait eu le malheur de faire trois enfants à sa servante. Brave homme au demeurant, plein de foi, disant ses offices, et vivant avec grande dévotion : cela ne l’empêchait nullement de vaquer à ses devoirs de digne et saint prêtre (…)
J’en ai connu un autre, vrai coquin, qui, étant entré dans les ordres de très bonne heure, en âge où l’on sait peu ce que l’on fait, et pour complaire à ses parents, eut le malheur d’éprouver à vingt-quatre ans une passion très vive pour une jeune personne…
 Note21
[22] Peu après son entrée à Sainte-Pélagie, Paul-Louis reçut régulièrement Le Constitutionnel sans qu’il fût en mesure de savoir à qui, selon ses propres termes, il devait « cette galanterie ». Delécluze, peu connu pour manifester des opinions extrémistes, se défiait de ce journal par lui jugé opportuniste et à qui il reprochait d’avoir accueilli en son sein des hommes qui, sous l’Empire, avaient largement pactisé avec Napoléon.  Note22
[23] Cf. dans ce numéro de nos Cahiers l’article de M. Pierre Richard Un épisode inconnu des dernières semaines de Paul-Louis Courier.  Note23
[24] La première eut lieu le 17 juillet 1825.  Note24
[25] Originaire de Varzy, dans la Nièvre, André Dupin (1783-1865) avait deux frères plus jeunes d’où son surnom de Dupin l’Aîné. Le benjamin, Philippe (1795-1846), avocat comme lui, l’un des plus renommés du Barreau de Paris et deux fois bâtonnier de l’ordre, fut sous-préfet à Clamecy de 1816 à 1831 ; le cadet, Charles (1784-1873), brillant mathématicien, correspondit avec Paul-Louis au moment de son incarcération à Sainte-Pélagie. L’Aîné défendit le maréchal Ney, Savary – brocardé dans l’épisode des artichauts du Pamphlet des pamphlets – la mémoire du maréchal Brune, l’ombrageux général Allix, ancien de la promotion précédant celle de Paul-Louis à l’École de Châlons, le duc d’Orléans, futur Louis-Philippe, Béranger... La monarchie de Juillet lui conféra un rôle capital ; un temps pressenti pour remplacer Casimir Périer emporté par le choléra, il fut élu à l’Académie française le 21 juin 1832 grâce à l’appui de plusieurs académiciens membres de la direction du Constitutionnel et présida la Chambre des députés du 29 avril 1832 au 2 février 1839 puis du 1er juin 1849 au 2 décembre 1851, jour du coup d’État de Louis-Napoléon. Couvert d’honneurs, titulaire, entre autres, de la Grand-croix de la Légion d’honneur, il fut l’une des cibles favorites du pamphlétaire nivernais Claude Tillier.  Note25
[26] Le dimanche 10 octobre 1824, au bois de Vincennes un homme arracha des mains de leur mère ses deux petits garçons âgés l'un de cinq ans, l'autre de six. Brandissant un couteau, il les assassina sous les yeux de la jeune femme horrifiée et impuissante. Reconnu par la pauvre mère et une autre femme témoin de la scène, l’homme, un fonctionnaire du nom de Papavoine, passa aux aveux puis en cours d’assises. Il fut guillotiné en place de Grève le 25 mars 1825.  Note26
[27] Plaidoyer de M. Dupin pour le Constitutionnel prononcé à l’audience de la cour royale, 1e et 3e chambres réunies, le 26 novembre 1825, pp. 216-217.  Note27
[28] Parlez aux hommes de leurs affaires, et de l’affaire du moment, et soyez entendu de tous…, La Pléiade, p. 216.  Note28
[29] Flaubert rapporte avoir aperçu l’abbé Lacolonge au bagne de Brest en 1847. Ce dernier, chanoine dans le diocèse de Lyon, fut jugé coupable d’avoir étranglé sa maîtresse, de l’avoir coupé en morceaux et d’avoir caché ceux-ci dans une mare du village où il exerçait son ministère.  Note29
[30] Il existait un anticléricalisme de droite qui ne devait rien à son alter ego de gauche. Son représentant le plus célèbre sous la Restauration est le comte François Dominique de Reynaud de Montlosier (1755-1838). Le clergé de Clermont-Ferrand, sa ville natale où il rendit l’âme, refusa d’administrer l’extrême onction à ce catholique qui avait combattu l’ultramontanisme et les jésuites.  Note30
[31] « Les tueurs souriants et les viveurs féroces »  Note31
[32] Les Misérables, la Pléiade, p. 1640. Au passage, signalons le caractère hautement pathétique de la scène du sac tiré par Rigoletto, contenant sans qu’il le sache le corps de sa fille, dans l’opéra éponyme.’  Note32
[33] Ce pauvre garçon fut chassé du séminaire aussitôt connu le crime d’Antoine.  Note33
[34] Cette force prodigieuse lui permit de sortir le cadavre de sa victime la nuit par la fenêtre au moyen d’une corde et de le porter sur une distance d’un kilomètre jusqu’au lieudit la Roche, proche de l’Isère. Mais, fatigué par ses efforts, sur les deux ou trois cents derniers mètres, il le traîna, laissant derrière lui de sanglantes traces et même des lambeaux de chair. Pour alléger la charge, il démembra le corps non sans avoir auparavant tenté de l’écarteler en l’attachant à un arbre et en tirant sur les jambes de la suppliciée. Il n’y parvint pas et utilisa son couteau comme eût fait un équarisseur.  Note34
[35] Cette accusation ne fut pas retenue contre lui par la Cour d’assises de Grenoble.  Note35
[36] Le pire fut que, redoutant d’être démasqué et déféré en justice après une tentative manquée de viol, Mingrat se fit assassin fou. En aucun cas, Marie Charnalet ne fut sa maîtresse. Sur ce point, de bonne foi, Paul-Louis s’est trompé, tous les autres après lui, moi y compris dans « la plume indomptée » et d’autres suivront s’ils ne lisent ceci. Peut-être était-ce pour essayer d’atténuer aux yeux de l’opinion la responsabilité de Mingrat. L’inconscient collectif est tapissé d’idées toutes faites. Parmi elles, celle qui amène à penser que ce sont toujours les femmes qui, au moyen de leurs attraits, perdent les hommes. En tout cas, pour le cas qui nous occupe, il n’en fut pas ainsi.  Note36
[37] Le traité de Paris du 20 novembre 1815 avait rendu la Savoie au roi de Piémont-Sardaigne Victor-Emmanuel Ier qui en avait été dépossédé par le Directoire.  Note37
[38] Stendhal, Chroniques pour l’Angleterre, contributions à la presse britannique, Esquisses de la société, de la politique et de la littérature, tome VI, 1826 ; édité par Keith G. Mc Watters, traduit par Renée Dénier, p. 339.  Note38
[39] Claude-Marie Bochard (24 avril 1759-22 juin 1834). Fils d’un notaire royal à Poncin (Ain). Ordonné à Lyon le 23 septembre 1783. Il refusa de prêter serment à la constitution civile du clergé et fut mis en prison à Saint-Rambert-en-Bugey. Il s’évada et se réfugia en Suisse. Il rentra après Thermidor. En 1808, le cardinal Joseph Fesch le nomme auprès de lui vicaire général du diocèse de Lyon. Après la chute de l’empire et l’exil de Fesch, il administre le diocèse. En 1823, le pouvoir nomme un administrateur apostolique, Mgr de Pins, en place du cardinal exilé. Estimant que ce poste aurait dû lui revenir, l’abbé Bochard se retire. Dès lors, il se consacrera jusqu’à la fin de son existence à faire vivre des établissements d’enseignement.  Note39
[40] La citation originale se trouve déjà dans la lettre de Paul-Louis à sa femme du 14 juin 1815 :
     Je ne sais de tout temps quelle injuste puissance
     Laisse le crime en paix, et poursuit l’innocence.
Andromaque
, acte III, scène 1, vers 773-774.  Note40
[41] N° 1280 du mercredi 15 novembre 1826, pp. 7 et 8.  Note41
[42] Erreur vraisemblable du typographe qui imprime « Génin » à la place de « Gérin ».  Note42

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