Paul-Louis Courier

épistolier, pamphlétaire, helléniste
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Mémoire vive à Véretz

Affiche de la commémoration du 130e anniversaire de la mort de Paul-Louis Courier (photo JP Lautman) Affiche de la commémoration du 130e anniversaire de
la mort de Paul-Louis Courier (photo JP Lautman)
 
D ans une société fondée sur l’écrit et, qui privilégie de plus en plus l’image, la place de la tradition orale s’amenuise au fil des ans. Et pourtant, combien de savoirs ont de tout temps été transmis de bouche à oreille, de génération en génération, pour le plus grand bien des hommes.
Le 23 octobre 1955, en présence de Blanche Habert et de ses enfants, se déroula à la Chavonnière dont elle était propriétaire une cérémonie visant à commémorer le 130e anniversaire de la mort de Paul-Louis Courier. M. Beguin, archiviste en chef du département d’Indre-et-Loire avait porté plusieurs éditions reliées de Courier et de ses commentateurs ainsi que plusieurs pièces autographes comme l’acte de vente de la Chavonnière ou quelques lettres. M. André Rivière, membre de la Société archéologique de Touraine et principal artisan de la manifestation prononça une allocution. Nous en rapportons ici les principaux passages.

Dans une manifestation comme celle-ci, au cœur même du village, il est bon, je crois, d’évoquer le folklore c’est-à-dire la connaissance des gens et des traditions qui, hélas ! tendent chaque année à disparaître de notre petite patrie la Touraine.
Je ne parlerai pas du folklore des illustres personnages qui ont vécu dans ce château, ni de ceux qui ont traversé la vie de notre bourgade à travers les siècles depuis Jean de la Barre à d’Aiguillon (…).
Je ne parlerai pas non plus des mariniers du Cher depuis Pierre Epron jusque Bardaban.
Mais j’évoquerai le souvenir vivant de celui que le monde entier connaît par ses immortels pamphlets –j’ai dit Paul-Louis Courier-. Car c’est ici, à la Chavonnière, que furent lancées ses flèches les plus acérées et le nom de vigneron de Véretz est lié avec ses plus belles œuvres.
Ici, tout nous parle de lui.
Ici, même son monument, la place qui porte son nom, sa tombe au cimetière.
La Chavonnière, son ancienne demeure où il y a trente-sept ans, notre grand écrivain Anatole France fit apposer et inaugura une plaque en son honneur.
La salle de la bibliothèque, et la chambre d’Herminie. Le mausolée dans la forêt de Larçay à l’endroit même où il fut abattu.
Le Livre d’or avec d’illustres signatures, son sceau, conservé à la mairie de Véretz.

Et dans les familles restées attachées à leur terroir où la tradition de son souvenir se transmet de génération en génération (…).

… je vais avoir l’honneur de vous présenter d’authentiques descendants des closiers et bûcherons de notre grand vigneron de Véretz.
M. Jules Goupy, doyen d’âge du village (il a 96 ans) était maire de Véretz à l’époque du centenaire ; il va vous dire ce que ses ancêtres lui ont légué sur la tradition de Paul-Louis.
Mon grand-père lui serrait la main dès qu’il le rencontrait ; il n’était point fier, était bon bonhomme et était très aimé de tous les vignerons ses voisins.

Galop des enfants sur la place de Véretz le 23 octobre 1955 Galop des enfants sur la place de Véretz le 23 octobre 1955
 
Paul-Louis surveillait son exploitation dans sa forêt de Larçay ; il avait à son service de nombreux bûcherons.
M. Jérémie Rabusseau, 88 ans, dites-nous ce que vos ancêtres pensaient de Paul-Louis.
Mon grand-père le voyait souvent dans ses coupes et faisait pour lui des bourrées dans la forêt ; il était bien aimable pour ses bûcherons.

Bonhomme Paul avait peut-être des ennemis jaloux car il aimait la justice ; mais il avait aussi des amis. Le marquis de Siblas, de la Roche-Morin, chez lequel il allait faire sa partie. Monsieur Dubuisson dans le bourg chez lequel il attachait son attelage pendant que sa femme Herminie assistait à la messe le dimanche. Et le bon curé de Véretz Marchandeau qui venait lui serrer la main à chaque rencontre.

[Paul-Louis avait pour] ami son coiffeur, Abraham Milandre, qui venait lui faire la barbe à la Chavonnière et chez lequel, au bourg, il aimait à vider quelques bonnes bouteilles les après-midi du dimanche. Voici une descendante des Milandre qui va vous donner elle-même les quelques souvenirs des traditions de ses aïeux (elle a 86 ans).
Mon grand-père était barbier-menuisier (sic) ; il était grand ami de M. Courier et ma grand-mère était la femme de chambre de Mme Courier quand elle était en prison. Elle était bien bonne avec elle.

Véretz peut s’enorgueillir de posséder un poète de l’École de la Loire, couriériste, descendants des Moreaux, closiers de la Chavonnière ; il a 76 ans. C’est Monsieur Bizeau, demeurant dans la rue chaude :
Ma grand-mère le rencontra le jour où il fut assassiné, il avait l’air sombre et ennuyé.

(…) Vous savez que le complot de l’assassinat fut ourdi au Chêne Pendu, sur la route de Loches, chez l’aubergiste André Tricot.
Son arrière petite-fille Juliette Clavier, femme Denis, habite toujours au Chêne Pendu et, n’ayant pu venir, étant en deuil de sa mère décédée il y a quinze jours, m’a chargé de vous dire que sa grand-mère était la fille de André Tricot. Elle lui racontait qu’à la suite du complot des assassins de M. Courier chez sa mère, fille de l’aubergiste, elle avait été appelée plusieurs fois au procès comme témoin.
Autre descendant de closier journalier à la Chavonnière, M. Barrier : son arrière grand-père Joseph Barrier, journalier closier à la Chavonnière, avait déposé contre les Dubois aux assises. Pour se venger, on supposa qu’il fut empoisonné par Symphorien (ou Phorien) au cours d’un dîner fait ensemble chez Paul Goupy.
(…) Chaque dimanche, M. Courier conduisait sa calèche, ayant à coté de lui sur le siège, la Michèle, la femme de son garde, et, derrière, Herminie, sa femme. Elles descendaient par la vieille rue. Courier attachait son cheval à une boucle devant chez Dubuisson, son ami. Les femmes se rendaient à la messe à Véretz.
Quelquefois, ils allaient à Azay à la messe et assistaient à la sortie, aux ébats de la jeunesse dansant au son de la vielle et de la cornemuse sur la place, sous les tilleuls.
M. Serrault, charcutier à Azay, descendant de Michel Serrault, closier à la Chavonnière, nous dit ceci :
Mon grand-père m’a souvent raconté qu’il avait appris à lire par Paul-Louis et qu’il avait passé son enfance à la Chavonnière ; il se rappelait très bien avoir vu M. Courier monté sur son cheval rouge Pompon, sans selle ni harnais.

Source : Mme Jacqueline Casaromani


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