Paul-Louis Courier

Epistológrafo, libelista, helenista
photo1 photo2
 
prec [sans mention] de Monteleone - 1806 [sans mention]1 [Sans mention] Au général Dulauloy - 1806 Suiv

Crotone le … 1806

Calabre Le sud de la Calabre J 'arrive de Tarente et j'y retourne, bonheur ou malheur, je ne sais lequel. Je t'ai marqué dans une lettre que Guérin te remettra s'il ne la perd, comme on m'a reçu. Il m'a fallu livrer bataille, sans quoi on me campait sur le dos la perte des douze canons. Cela arrangeait tout le monde, si j'eusse été aussi benêt qu'à mon ordinaire. Mais j'ai refusé la charge et regimbé au grand scandale de toute la cour. L'animal à longue échine en a fait, je m'imagine2 de belles exclamations avec ses fidèles. Je sais bien la règle, sans humeur et sans honneur. Mais enfin il faut faire le moins de bassesses possible. Celle-là n'eût servi à rien, car ma disgrâce est sans retour, et après tout je ne suis pas venu sur ce pied-là. Pouvant rester à Naples et me donner du bon temps, je suis venu ici comme ami. J'en ai eu le titre et les honneurs, je ne veux pas déroger.
C'est vraiment une plaisante chose à voir que cette cour et comme tout cela se guinde peu à peu. Les importants sont D…3 , plus chéri que jamais, M…4 et à présent Gr…5 qui commence à piaffer.
Mais, d'où vient donc, dis-moi ? quelque part qu'on s'arrête, en Calabre ou ailleurs, tout le monde se met à faire la révérence et voilà une cour. C'est instinct de nature. Nous naissons valetaille. Les hommes sont vils et lâches, insolents quelques-uns par la bassesse de tous  abhorrant la justice, le droit, l'égalité  chacun veut être, non pas maître, mais esclave favorisé. S'il n'y avait que trois hommes au monde, ils s'organiseraient. L'un ferait la cour à l'autre, l'appellerait Monseigneur et ces deux unis forceraient le troisième à travailler pour eux. Car c'est là le point.
Au reste on ne lui parle plus. Il y a des heures, des rendez-vous, des antichambres, des audiences. Il interroge et n'écoute pas, se promène, rêve, puis tout à coup il se rappelle que vous êtes là. Il cherche les grands airs et n'en trouve que de sots. Ce n'est pas un sot cependant, mais un petit zéphyr de fortune lui tourne la tête comme aux autres.


[1] Sautelet indique le même destinataire que la précédente lettre et date celle-ci du 25 juin 1806.  Note1
[2] Cette expression qui vise Reynier est tirée de deux vers des fables de La Fontaine, dans Le combat des rats et des belettes.  Note2
[3] Delphin.  Note3
[4] Milet, aide de camp du général Verdier.  Note4
[5] Né en 1771, Joseph, Joachim Grabinski devint colonel commandant le régiment de Polonais le 10 décembre 1801. Courier ne se trompait pas puisqu’il devint général de brigade le 25 mars 1807. Il mourut en 1835.  Note5

trait

prec [sans mention] de Monteleone - 1806 Home
Début
[Sans mention] Au général Dulauloy - 1806 Suiv