Paul-Louis Courier

Epistológrafo, libelista, helenista
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Tivoli, 13 mai 1810[1].

M Wilhelm von Humboldt Friedrich Wilhelm Christian Karl Ferdinand Freiherr von Humboldt,
plus connu sous le nom Wilhelm von Humboldt (1767 - 1835)
 
me d’Humboldt veut bien se charger, Monsieur, d’une petite brochure qui en sortant de la presse vous était destinée, mais que je n’ai pu, faute d’occasion, vous faire parvenir plus tôt. J’ai eu le bonheur de trouver un manuscrit complet de Longus, dont le roman, fort célèbre et tant de fois imprimé dans toutes les langues, était défiguré par une grande lacune au milieu du premier livre, et en traduisant ce qui manquait dans les éditions, j’ai corrigé par occasion la vieille version d’Amyot. C’est là ce que je vous prie d’agréer en attendant le texte que j’aurai l’honneur de vous offrir bientôt.
J’ai appris par la voix publique, avec une joie extrême, le bel emploi dont le roi vous a nouvellement honoré. Cette justice que vous rend Sa Majesté n’étonne point de la part d’un prince accoutumé à distinguer et récompenser le mérite. Tout le mal que j’y trouve c’est que cela m’ôte l’espoir de vous revoir de sitôt en France ni en Italie. Mais aussi dans le vieux projet que je nourris depuis longtemps d’aller à Berlin, je me promets à présent un plaisir de plus, celui de vous y voir placé comme vous le méritez.
J’ai quitté le service et usant de ma liberté, je cours à peu près comme un cheval qui a rompu son lien, fort content de mon sort, je vous assure, et n’ayant guère à me plaindre que de Mme de Humboldt, qui part de Rome quand j’y arrive, et quitte Naples justement quand je me dispose à y aller. J’en suis de fort mauvaise humeur et ne me console que par cette idée, dont je me flatte toujours, de vous revoir l’un et l’autre dans votre patrie.
Je n’ai pu faire usage à Paris de la lettre que j’avais de vous pour M. votre frère. Imaginez, Monsieur, que depuis que je vous laissai à Rome, il y a deux ans, j’ai entrevu Paris deux fois sans pour ainsi dire y poser le pied. Je n’y suis pas resté en tout plus de cinq ou six jours et quelqu’empressé que je fusse de faire une si belle connaissance, je n’en pus trouver le moment. Aussi n’était-ce pas un homme à voir en courant. J’ai donc mieux aimé garder votre lettre, comme un titre qui m’autorise à espérer de lui quelque jour la même bonté dont vous m’honorez. C’est pour moi un droit bien précieux, et que je ne céderais en vérité à qui que ce fût.


[1] Sautelet précise « A M. Humbolt, à Vienne » et donne pour date le 16 mai.
Frère ainé du célèbre géographe Alexander von Humboldt, Wilhelm von Humboldt naquit le 22 juin 1767 dans une famille d’officiers et de fonctionnaires au service du royaume de Prusse. Il accomplit ses études à Goetingue sous la direction de Heine. Il vint à Paris après son mariage puis résida à Iéna où il se lia avec Goethe et Schiller. En 1801, Wilhelm entra au service de l’État et fut nommé en 1802 ambassadeur de Prusse auprès du Vatican. C‘est à cette période que, selon toute vraisemblance, grâce à l’intermédiaire de Jean-Geoffroy Schweighaeuser, Courier fit la connaissance de Humboldt, épris comme lui, des écrivains grecs. Il passa d’ailleurs la soirée du 7 décembre 1807 chez l’érudit allemand. En 1808, Humboldt rentra en Allemagne pour régler des affaires d’ordre privé. Sa femme et leurs enfants demeurèrent à Rome où lui-même ne retourna jamais. En effet, l’État prussien, en pleine réforme, l’accapara en lui confiant le portefeuille de l’éducation nationale. C’est lui, en tant que ministre, qui initia la création d’une université à Berlin, connue aujourd’hui sous le nom d’Université Humboldt. Il mourut à Berlin le 8 avril 1835.  Note1

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