Paul-Louis Courier

Korrespondent, Pamphletist, Hellenistische
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prec De Mme Marchand A Mme la comtesse d’Albany[1] De Mme Sophie Pigalle de Lille Suiv

A Madame
Madame la comtesse d'Albany
à RomeFrascati, jeudi, 18 ou 19 mars [1812].

Madame

J comtesse_dalbany.jpg Comtesse d'Albany par François Xavier Pascal Fabre
 
’apprends que vous êtes à Rome et je voulais partir sur-le-champ pour m’y rendre. Mais comment faire ? point de voitures ; à pied, des chemins exécrables ; voilà ce qui me retient ici et me prive de l’honneur de vous voir. J’en serais inconsolable si je n’espérais vous rendre mes devoirs à Florence où je passerai dans peu en allant à Paris. D’ici à ce temps-là, Madame, vous pourrez aisément, je crois, vous faire remettre les 27 exemplaires saisis de ma traduction de Longus. Le Ministre[2] m’ayant rendu de son propre mouvement le texte grec qu’on avait saisi en même temps à Rome, j’ai lieu de croire que pareil ordre de restituer la traduction aura été donné là-bas, c’est de quoi je vous supplie de vouloir bien vous informer, comme vous eûtes la bonté de me le promettre à Naples. Il ne s’agit ici d’aucune sollicitation. Je n’attache d’importance à cette bagatelle qu’autant que vous daignerez, Madame, en agréer un exemplaire. Je suppose que ces Messieurs de la police ou de la préfecture ont ordre de s’en dessaisir et dans ce cas vous voulez bien en être dépositaire. A la moindre difficulté qui pourrait s’y rencontrer, zitto[3], qu’il n’en soit plus question.
Vous êtes donc, Madame, glorieusement échappée à tous les périls du voyage de Naples. Dieu aide aux âmes courageuses, et j’espère que la même audace vous ramènera saine et sauve dans votre maison.
Permettez que je me rappelle ici au souvenir de M. Fabre[4].
Je suis avec respect, Madame, votre très humble et obéissant serviteur.

Courier

P.-S. Mille pardons pour ce chiffon et pour les ratures, je n’ai point d’autre papier.


[1] Née à Mons, en Allemagne, Louise Marie Caroline de Stolberg, comtesse d’Albany épouse à 18 ans Charles Edouard, de 33 ans plus âgé qu’elle, petit-fils du dernier roi de la dynastie des Stuart. Maltraitée par ce prince brutal en raison de sa dépendance à l’alcool, elle s’en sépare en 1780 pour devenir veuve en 1788. Peu après sa séparation d’avec le prince, elle noue une relation passionnée avec le dramaturge et poète Vittorio Alfieri (1749-1803). A la mort de celui-ci, elle vit avec le peintre Fabre. La comtesse reçoit en son salon de Florence nombre d’esprits prestigieux : Sismondi, Mme de Staël, Foscolo… Elle décède à Florence le 29 janvier 1824.  Note1
[2] Il s’agit du comte de Montalivet.  Note2
[3 ]Zitto : silence.  Note3
[4] Né à Montpellier le 1er avril 1766, le baron François Xavier Pascal Fabre fut l’élève de David. Il remporta le Prix de Rome en 1787. Pendant la Révolution, il vit à Florence. Il y enseigne la peinture. Après la mort de son ami Alfieri, il partage l’existence, pendant un quart de siècle, de la comtesse d’Albany. A la mort de sa compagne, Fabre hérite de sa fortune ; il l’utilise pour fonder une école d'art dans sa ville natale. Il lègue par disposition testamentaire sa fastueuse collection d'art à la ville de Montpellier, dont le musée, qui ouvrit ses portes à la fin de l’année 1828, prendra ultérieurement son nom.
Il décède dans sa ville natale le 16 mars 1837.  Note4

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