Paul-Louis Courier

Epistológrafo, libelista, helenista
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prec Pamphlet des pamphlets Avertissement au libraire  

Nous possédons en manuscrit et publierons, quand la Censure sera rétablie, différentes brochures de Paul-Louis, toutes excessivement utiles et prodigieusement agréables, comme on le peut voir par ces titres :

La Lanterne de Rovigo, ou Considérations sur la nouvelle noblesse.
De l’Indifférence en matière de Billevesées.
Vue sur la Septennalité, ou l’An climatérique de la Charte Constitutionnelle.
Obligations d’un Député ministériel, avec cette épigraphe de Saint-Paul : LA VIANDE EST POUR LE VENTRE, LE VENTRE EST POUR LA VIANDE.
De l’Influence de la Russie sur le chien du garde champêtre de la commune de Bagnolet.
Thèses contre les Hérétiques, où l’on démontre A PRIORI que le célibat des jeunes prêtres et la confession des jeunes filles, sont principalement cause de la pureté des mœurs dans tous les états catholiques.
De la PORNOCRATIE en France, depuis Brennus jusqu’à nos jours, avec une dissertation sur le principe PORNOCRATIQUE dans les gouvernements de l’Europe.
RECEPI NUMMOS à gogo, ou Diachylon pour les plaies de la Révolution aux dépens de qui n’en peut mais…
Hommage des employés de Montmartre, offrant par l’organe du Préfet la moitié de leur picotin pour l’acquisition de Chambord.
10° Pétition des mêmes, demandant double râtelier pour les services par eux rendus dans les dernières élections, en votant à billet ouvert.
11° Epistola critica doctissimo viro Champoléon Figeac, dans laquelle on lui prouve par les hiéroglyphes qu’il ne sait ce qu’il dit sur les dynasties égyptiennes, attendu que jamais il n’y eut en Egypte que deux races de souverains, dites les DÉMOBORONS et les ALIBORONS, depuis ALIBORON Ier jusqu’à DÉMOBORON le Grand
12° Autopsie du cadavre de la défunte Charte, avec cette épigraphe de Virgile : cunctantes inter cecidit moribunda sinistros.

Signification de l’Avertissement au libraire

Les ventrus par Daumier
Anne Jean Marie René Savary, ministre de la police

L e premier éditeur des œuvres de Courier, Auguste Sautelet a daté ce texte singulier d’une seule page de 1823. Il est plus tardif et serait même postérieur au Pamphlet des pamphlets. La politique de surveillance des écrits renforcée après l’assassinat du duc de Berry, Paul-Louis joue à cache-cache avec les censeurs. Aussi veille-t-il à ce que n’apparaisse pas son nom sur les feuilles qui circulent sous le manteau ou dans les bistrots et cabarets. En agissant ainsi, il ne tombait pas sous le coup de poursuites judiciaires toujours possibles. Néanmoins, tout un chacun savait qu’il était derrière tel ou tel écrit. Selon toute vraisemblance, il était décidé à s’adonner à la publication de textes très courts dans lesquels les puissants étaient ridiculisés avec la malice dont Guignol, en toute impunité, se moque de la maréchaussée et de ses alliés. Premier de cette nature, ce texte sera le dernier : sa mort brutale empêcha son auteur de persister.
Mme Geneviève Viollet-le-Duc a retrouvé dans ses archives de famille un exemplaire de ce texte ayant appartenu à son arrière grand oncle Etienne Delécluze. Au verso de la feuille, le littérateur a écrit, en date du 19 avril 1825, soit neuf jours après l’assassinat du pamphlétaire : J’ai appris que ce petit pamphlet est effectivement de Courier. Il avait l’intention d’en publier souvent de semblables. En les faisant courts il voulait se faciliter les moyens d’imprimer sans risques, et de tenir le public en haleine.
A la différence du lecteur contemporain de l’auteur, celui d’aujourd’hui n’est plus en mesure de décoder ces lignes truffées d’allusions et de coups de griffes. Voici donc les informations qui permettent de comprendre de quoi il retourne.
La première phrase renvoie aux pourparlers organisés par la Sainte Alliance pour mettre les peuples en tutelle et obtenir notamment du roi de France qu’il limite le droit d’expression.
1° - Fait duc de Rovigo par Napoléon en février 1808, Savary (1774-1833), ministre de la police impériale en 1810, représente aux yeux de Courier le parfait exemple de fusion des nouvelle et ancienne noblesses. La flagornerie du personnage est mise en scène au début de la seconde lettre particulière et du Pamphlet des pamphlets.
2° - C’est Lamennais déjà brocardé dans la 5e et la 7e lettres au Censeur qui est visé et son ouvrage Essai sur l'indifférence en matière de religion.
3° - L’article 37 de la Charte prévoyait que les élections législatives se déroulent tous les cinq ans. Celles de février et mars 1824, donnèrent une écrasante majorité à Villèle (411 députés de droite contre 17 libéraux). Cette Chambre retrouvée porta la législature à sept ans.

Les ventrus par Daumier
« Ventrus » par Daumier

4° - Saint-Paul désigne le bonhomme Paul c’est-à-dire Courier en personne. Le ventre est, par dérision, le sobriquet donné aux députés baptisés « les ventrus », lesquels soutenaient la politique ministérielle avec pour, croyait-on, pour seuls mobiles de leurs décisions les dîners donnés par les ministres. En 1819, Béranger composa une chanson fort mal vue : « le ventru » et, en 1834, Daumier caricaturera les députés ventrus.
5° - Le chien désignerait Villèle et le garde-champêtre serait une allusion au privilège royal qu’est la chasse, auquel l’abolition des privilèges avait voulu mettre fin. Mais la chasse représente ici la mise au pas des libéraux espagnols pour laquelle le tsar Alexandre pesa de tout son poids. C’est donc bien le symbole du retour à l’Ancien régime qui est visé.
6° - Si l’on en croit la notice qui, chez Sautelet, suit une lettre à sa femme de novembre 1823, Courier était « occupé d’un grand projet » pour lequel il jugeait le secret nécessaire3. On sait qu’il s’agit d’un pamphlet dirigé contre la Religion catholique, apostolique et romaine. Il dénonce ici les contraintes imposées au peuple de se soumettre aux directives de l’Église. Conformément à son habitude, il manie l’antiphrase.
7° - Le Simple discours a explicitement signifié que la prostitution est la voie royale d’accès au pouvoir. Brennus est ce chef gaulois qui humilia Rome en 390 avant J.-C.
8°- RECEPI NUMMOS à gogo signifie « J’ai reçu de l’argent à gogo. »
Venu du grec διάκυλών qui signifie « avec, au moyen de sucs de plantes », le diachylon est un emplâtre agglutinatif et résolutif, à base d'oxyde de plomb et de résines diverses, utilisé notamment pour la confection des sparadraps.
9° - Allusion transparente à la souscription pour l’acquisition de Chambord.
10° - Le picotin est la ration de nourriture, le plus souvent de l'avoine, donnée à un animal de trait « Double ration de picotin » rappelle que les fonctionnaires qui ont intrigué pour que les électeurs votent dans le bon sens aux législatives de 1824 ont droit à de larges dédommagements.
11°- Popularisé par La Fontaine dans sa fable Les voleurs et l’Ane, Aliboron, surnom de cet équidé, objet d’une dispute, est à l’origine un personnage niais qui se croit habile en toutes choses et ne se connaît en rien. Dans le Tiers Livre, Rabelais évoque en son chapitre XX ce faux savant par la bouche de Panurge. Démoboron, quant à lui, renvoie à un mot grec. Courier se souvient là encore de Rabelais qui, toujours dans le Tiers Livre, chapitre I, assimile après Homère, Démoboron à un « mangeur de peuple ». Le mot est formé à partir des racines grecques demos = le peuple et bora = celui qui mange. Mais Courier en use au sens figuré : Démoboron est celui qui trompe le peuple. Démoboron le Grand désigne Napoléon.
12° - Prise dans les Géorgiques, III, 488 « cunctantes inter cecidit moribunda sinistros » qui se traduit « Elle s’affaissa moribonde parmi les sinistres indécis. » Courier a bien mis « sinistros » où Virgile avait écrit « ministros », manière pour lui de montrer qu’on peut assimiler les deux.

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