Paul-Louis Courier

Cronista, panflettista, polemista
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prec A M de Sainte Croix - 3 septembre 1808 [Sans mention]1 [Sans mention] de Livourne - 13 septembre 1808 Suiv

Livourne le 12 septembre 1808


Madame,

P Général François Nicolas Benoît Haxo (1774-1838) Général Jean Barthélemot Sorbier (1762-1827)
 
our m'empêcher de vous aller voir, il est venu exprès, je crois, un général inspecteur de l'artillerie2. Ces inspecteurs sont des gens que l'on envoie examiner si nous faisons notre devoir. Le leur est de nous ennuyer et celui-ci s'en acquitte parfaitement à mon égard. Quand il ne serait pas de sa personne un insupportable mortel, ce que vous nommez en votre langue un soldataccio3, sa visite, tombant au travers de mes plus agréables projets, ne pouvait que m'assommer. Les malédictions ne remédient à rien ; mais, Madame, ces jours destinés à vous voir, les passer avec l'animal le plus... Madonna mia, donnez-moi patience. Nous avons attendu deux mois son arrivée, et je ne sais combien encore nous attendrons son départ, douce espérance dont il nous flatte chaque jour. Je compte, pourtant en être délivré cette semaine, et déjà mes pensées reprennent leur direction naturelle vers Rome. Mais avant de faire les démarches nécessaires pour pouvoir m'y rendre, il faut savoir si vous y êtes. N'est-ce pas dans cette saison que vous allez ordinairement à Ferentino ? Venir de si loin et ne vous pas trouver, ce serait pis que l'inspecteur. Je pars maintenant pour Florence ; maintenant, c'est-à-dire aussitôt que l'animal aura les talons tournés. J'en serai de retour dans quinze jours ; faites, Madame, que je trouve ici une lettre de vous qui m'apprenne où vous êtes, et je ferai en sorte, moi, qu'alors rien ne m'empêche de me rendre à Rome, si je suis assuré de vous y trouver.
Votre académie de Saint-Luc a donc enfin fait son devoir4. Je l'en félicite. Elle ne fera pas souvent de pareilles acquisitions. Mademoiselle Henriette, dans son Arcadie, avait quelque chose d'un peu païen5 ; mais vous, Madame, sous la bannière, de Saint-Luc, vous sanctifierez toute la famille par votre foi et .par vos œuvres.
En vous écrivant ceci, Madame, d'une écriture qui n'a point de pareille au monde, j'ai le plaisir de penser que vous vous unirez tous pour tâcher de me lire, et qu'ainsi je vous occuperai tous au moins pendant quelques minutes. Il me semble vous voir les uns après les autres aguzzar le ciglia1 sur ce griffonnage, sans en pouvoir rien déchiffrer. Croyez-moi, laissez cela. Aussi bien qu'y trouveriez-vous ? des assurances très sincères de mes sentiments qui vous sont connus, et dont je me flatte que vous ne douterez jamais.


[1] Sautelet indique : « A Madame Marianna Dionigi, à Rome ».  Note1
[2] Il s’agit de Jean-Barthélemot Sorbier (1762-1827). D’ancienne noblesse, il est lieutenant-colonel en 1783 et côtoie Bonaparte à Valence en 1786. Capitaine en 1791, il est nommé général de brigade en 1797 puis général de division en 1800. De 1806 à 1811, il est commandant en chef de l’artillerie de l’Armée d’Italie. Il fut le concepteur de l’artillerie à cheval, à ses yeux plus efficace que l’artillerie à pied. Courier et lui se querellèrent vivement à ce propos.  Note2
[3] Soldataccio : un méchant soldat.  Note3
[4] La corporation des peintres italiens portait au Moyen Âge le titre de Confrérie de Saint-Luc. En 1577, le pape Grégoire XIII fonda à Rome, sous le patronage de saint Luc, une Académie des Beaux-Arts qui servit de modèle aux différentes académies européennes. L'Académie de Saint-Luc existe encore aujourd'hui sous le nom d’Accademia nazionale di San Luca. Deux classes la composent : l'une, qui est la véritable Académie, regroupe les artistes les plus habiles ; l'autre, à laquelle est resté le nom de confrérie, admet des artistes moins en vue, et même les ouvriers dont la profession relève des Beaux-Arts. Parmi les peintres français qui en ont fait partie : Poussin, Lebrun, et Joseph Vernet. Cette académie avait reçu Mme Dionigi parmi ses membres.  Note4
[5] L'Académie des Arcades, ou plus exactement Académie des Arcadiens, société de savants et de littérateurs, formée à Rome, en 1690, dans le palais Corsini, où habitait la reine Christine de Suède. Ses membres, hommes ou femmes, étaient inscrits sous un nom de berger grec ; pour prévenir les contestations de prééminence, ils siégeaient masquées, sous le costume des bergers d'Arcadie. Raison sans doute pour laquelle Courier dit qu’Henriette « avait quelque chose d’un peu païen. »
Primitivement, l'Académie se réunissait sept fois par an, en plein air et dans un endroit champêtre. A partir de 1726, elle s'assemblera, en été, tous les jeudis, dans le bois de Parrhasius, sur le mont Janicule ; en hiver, dans le Serbatajo (salle des archives), où sont conservés les ouvrages qui ont été lus et les portraits des principaux Arcades ; les jours de grande solennité, au Capitole. Le président est élu tous les quatre ans car l’Académie compte par olympiades.  Note5
[6] Allusion à La Divine comédie, chant XV de L’Enfer.  Note6

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