Paul-Louis Courier

Korrespondent, Pamphletist, Hellenistische
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prec [Sans mention] de Livourne - 12 septembre 1808 [Sans mention]1 A M. Chaban - 30 septembre 1808 Suiv

Livourne le 13 septembre 1808


Mon Général,

I Général François Nicolas Benoît Haxo (1774-1838) Général Hugues Alexandre Joseph Meunier (1751-1831)
 
l serait très à propos de concerter entre vous et le général Meunier le service des compagnies de garde-côtes. Vous les croyez comprises dans mon commandement et m'en rendez responsable, tandis que tous les jours ces troupes reçoivent des ordres dont je n'ai connaissance que par la voix publique. On déplace les détachements et les officiers sans que j'en sois instruit. En un mot le général Meunier commande directement cette troupe et ne la croit en aucune façon dépendante de l'artillerie. Le préfet s'en est fait une espèce de gendarmerie. J'attends comme vous, avec impatience leur organisation définitive.
Mon service ici est peu de chose, et cependant fort pénible. Il me manque tout ce qui rend aux autres la besogne facile. Pour le matériel, je n'ai point de garde. Pour le personnel, trois compagnies sans officiers (entre nous) ni sous-officiers. Point d'écrivains ; on m'a ôté le seul qui sût faire quelque chose. Le général Sorbier a bien senti tout cela et en est convenu, quelque peu disposé qu'il fût à me rendre justice. Il a paru fort aise de trouver prêt le travail que j'avais fait pour lui, et m'en aurait tenu compte si son grade et l'usage actuel ne le dispensaient de tout procédé. J'aurais pris beaucoup moins de peine, et peut-être m'eût-il ménagé davantage, si je l'eusse connu plus tôt. Je ne puis, ou pour mieux dire, il ne me convient pas de vous expliquer d'où vient l'animosité qu'il a contre moi. Mais elle a paru d'une manière singulière, et, je crois malgré lui. Il me traita d'abord assez bien pour un homme de son caractère2, et, durant les deux premiers jours qu'il passa ici, il me fit l'honneur de s'entretenir avec moi presqu’amicalement. Mais, un soir, en présence de quelques officiers, j'eus le malheur de lui dire les propres mots que voici : Je crois, mon Général, qu'un homme ne peut être à la fois canonnier et cavalier, non plus que cavalier et fantassin, et que, par conséquent, l'artillerie à cheval, les dragons, sont des armes bâtardes, des troupes organisées sous de faux principes. Ce discours le jeta dans un accès de frénésie alarmant3 . Mon sang-froid achevant de le mettre hors de lui, il me dit beaucoup de choses que son état excusait, et comme lorsqu'on a tort avec ses subalternes, on se garde surtout de se dédire, je crois bien qu'il vous aura répété une partie des invectives qu'il m'adressa directement et que son rapport au ministre s'en sera ressenti. Quant au ministre, les notes du général Sorbier me nuiront assurément, et j'en suis fort affligé, mais c'est un mal sans remède. Pour vous, mon Général, qui n'êtes pas ministre, votre jugement sur mon compte ne saurait dépendre des passions du général Sorbier. Après avoir obtenu en Calabre les éloges, la confiance, l'amitié de tous les généraux (hors d'un seul que personne ne loue4), vous savez de quelle manière j'ai été traité. Je ne m'en plains pas et je crois ces dégoûts inévitables à quiconque est comme moi mauvais courtisan. Mais j'espère que ce défaut, dont je travaille à me corriger, me nuira peu auprès de vous et je vous connais trop juste pour juger un officier autrement que sur sa conduite.


[1] Sautelet précise : « A M. le Général d’Arancey, commandant l’artillerie en Toscane. »  Note1
[2] Le général Griois, condisciple de Courier assista à cette algarade. Il confirme le caractère cassant du général Sorbier, qu’il rencontra à Milan pour la première fois au terme des fêtes de carnaval 1808. Dans le 1er volume de ses Mémoires, alors qu’il commandait le 1er régiment d’artillerie à cheval à Vérone, il relate cette rencontre en ces termes :
« Véritable officier de guerre et d’une réputation de bravoure brillante et méritée, ce général se rappelait trop qu’il avait commandé une des premières compagnies d’artillerie à cheval et il conservait pour cette arme une prédilection, on pourrait dire un amour qui le rendait souvent injuste envers l’artillerie à pied et trop indulgent pour l’artillerie à cheval. Il était venu passer l’inspection générale des régiments d’artillerie qui se trouvaient à Vérone. Après sa première revue, il fixa un jour pour voir tous les régiments réunis et les faire manœuvrer. Comme nous étions alors dans les plus fortes chaleurs, j’ordonnai pour cette revue la tenue d’été, c’est-à-dire le pantalon blanc au lieu du pantalon bleu galonné, et le commandant du 2e régiment d’artillerie à pied donna un ordre pareil. A l’heure indiquée, je vins prendre le général, qui remarqua sans doute que je n’étais pas en grande tenue mais qui ne m’en dit pas un mot et n’en témoigna rien lorsqu’il passa la revue de mon régiment. Mais arrivé près du régiment à pied, il fit sentir vivement à l’officier supérieur qui le commandait l’inconvenance de se présenter devant lui en petite tenue et l’envoya aux arrêts. Je pris ma bonne part des reproches qu’on lui adressait et j’aurais voulu de grand cœur partager la punition ; j’étais réellement peine de cette injustice évidente, faite en ma faveur ; mais il me fallut me résoudre à n’être pas puni et me borner à demander la levée des arrêts de mon camarade que le général m’accorda de bonne grâce. »
Comment s’étonner après ce portrait que, lui-même peu enclin à composer, Courier se querellât avec son supérieur en mission d’inspection ?  Note2
[3] Sorbier n’était pas peu fier d’avoir eu l’idée de créer l’artillerie à cheval en créant la première compagnie auprès de laquelle Courier servait.  Note3
[4] Courier fait ici allusion au général Dedon.  Note4

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