Paul-Louis Courier

Cronista, panflettista, polemista
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prec [Sans mention] de Livourne - 2 novembre 1808 [Sans mention][1] [Sans mention] de Livourne - 17 novembre 1808 Suiv

Livourne, le 16 novembre 1808


Mon Général,

J Francesco Pignatelli, prince de Strongoli ’ai tant à vous féliciter que je ne sais par où commencer. Mais comme vous êtes bon Napolitain (je dirais presque, et moi aussi), mon premier compliment sera sur votre nouveau souverain[2]. Il ne pouvait rien arriver de plus heureux pour le royaume, et moi qui ai compris d’abord les conséquences de cet événement, je m’en suis réjoui comme un homme que le bonheur de Naples intéresse autant que qui que ce soit. Vous savez, mon Général, combien j’aime votre pays et la peine que j’ai eue à m’en arracher. Mais vous ne savez pas que je veux y revenir, dès que j’aurai rompu mes chaînes, et n’en plus partir. Oui, je porterai mes pénates au pied du Vésuve. Je ne puis plus vivre ailleurs. Votre amitié que j’ai goûtée est un des biens qui m’attirent et dont j’espère jouir encore. L’avenir m’attache à vous autant que le passé.
Mais ce qui m’inquiète dans ces commencements si glorieux pour votre monarque, c’est de savoir comment il pourra continuer sur le même ton. Que fera-t-il ? Quelle sera la suite d’un pareil début ? J’ai peur en vérité qu’il ne prenne la Sicile sans moi. Je vous avoue, mon Général, que cela me déplairait. Si j’entends parler quelque part que je sois de cette expédition, je déserte pour y courir, je crève tous mes chevaux et la poste. Aller en Sicile c’est le rêve que je fais depuis dix ans. Mais de la manière dont on s’y prend, comment serai-je averti, si les projets ne se savent qu’après l’exécution ? J’arriverai pour le te deum et pour voir les antiquités.
Je vous dois, mon Général, un compliment particulier sur l’honneur que Sa Majesté vous a fait en vous nommant général de division et son premier aide de camp. Mais en vérité il faudrait pour cela une lettre exprès, et même plus d’une lettre, encore ne pourrais-je à mon gré vous exprimer tout le plaisir que m’a fait cette nouvelle. Voilà ce que c’est que l’éloignement. Je vous en dirai plus en deux mots qu’en dix lettres, si j’étais là, et vous serrant la main avec cette liberté militaire que vous me permettez, je vous dirais, mon Général, vive le Roi.


[1] Selon toute vraisemblance, cette lettre est adressée au général Pignatelli, prince Strongoli.
Né à Naples en 1775, mort à Ivi en 1853, Francesco Pignatelli, prince de Strongoli, fut général et historien napolitain.
Dès 1793, il sert dans la cavalerie autrichienne. Conquis par les idées de la Révolution française, il rompt avec l’armée. Il prend du service auprès de Berthier, à Rome, en 1797 avant de rejoindre Championnet lors de la campagne française dans le royaume de Naples. Après la reconquête napolitaine de 1799, au cours de laquelle ses frères Ferdinando (1769-1799) et Mario (1773-1799) sont condamnés à mort, il s’exile en France.
Appelé à son service par Joseph Bonaparte en mars 1806 avec le grade de colonel, il gravit les échelons jusqu’à devenir, sous Murat, général de division le 21 octobre 1808 et aide de camp du roi.
Il participe à l’expédition d'Espagne jusqu’en février 1811. Il démissionne de sa fonction de capitaine des Gardes en mars 1815 pour se consacrer à des travaux d’histoire.
En 1821, après la restauration des Bourbons, il se consacre à rédiger ses mémoires, Memorie intorno alla storia del regno di Napoli dall'anno 1805 al 1815.
En 1848, il participe comme son quatrième frère Vincenzo aux mouvements libéraux et encore une fois, plaide pour l'institution libérale et la liberté, idéaux et rêves de toute sa vie.
Courier le mentionne à différents reprises dans son Journal.  Note1
[2] Murat, qui, le 15 juillet 1808, succède à Joseph Bonaparte sur le trône de Naples.  Note2

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