Paul-Louis Courier

Korrespondent, Pamphletist, Hellenistische
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prec Sans mention de Zurich le 25 juillet 1809 A M. Pigalle Lettre sans mention de Lucerne, le 25 août 1809 Suiv

Lucerne, le 14 août 1809.


J La famille de Louis Armand Pigalle La famille de Louis Armand Pigalle
 
’ai reçu, mon cher cousin, votre lettre du 30 juillet.
Je suis fort aise que vous ayez placé mon argent d’une manière qui ne peut qu’être solide, par la connaissance que vous avez des affaires. Les miennes sont mieux entre vos mains que si je le faisais moi-même[1]. Je n’ai point reçu votre lettre adressée à Vienne, par laquelle vous m’apprenez, dites-vous, ce placement et les détails des arrangements pris par vous pour l’assurer. Marquez-moi donc, je vous prie, de nouveau tout cela ; c’est l’affaire de quelques lignes.
Je compte sur mes 1.200 francs à Milan, vers la fin de septembre ; mais attendez que je vous les demande par une lettre exprès.
Ne m’écrivez plus, je vous vous prie, sans me donner des nouvelles de ma cousine, qui devient grosse et accouche sans que j’en sache rien. J’espère que cette fois vous vous serez arrangé pour avoir une fille[2].
Dans une de vos lettres vous m’avez parlé d’adopter un de vos enfants. Je le ferai de tout mon cœur, si cela peut lui être bon à quelque chose. Il est vrai que je suis membre indigne de la Légion d’honneur ; mais je connais fort peu les droits attachés à ce titre. Ce que je puis faire de mieux pour votre fils, quand il aura quelques années de plus, ce sera de le recommander à quelqu’un des grands seigneurs de ma connaissance, si vous voulez qu’il prenne le vilain métier que je quitte. Il y en a un de ces grands seigneurs, auxquels je n’ai jamais rien demandé non plus qu’eux aux autres, et qui peut-être serait assez disposé à me rendre service[3] ; je sais cela de science certaine. Cette bonne volonté me sera toujours fort inutile pour moi qui ne désire rien de ce que ces gens-là peuvent donner ; mais j’en profiterai volontiers pour placer votre fils, et je crois que je réussirai. Attendons le temps et le moment.
Si ma cousine, votre femme, m’écrivait quelques lignes, y aurait-il grand mal ? Ne m’a-t-elle pas écrit déjà une fois fort joliment ? C’était, je crois, pendant que vous étiez à Turin. Votre absence est-elle nécessaire à notre correspondance ? Non, cousine, vous pouvez m’écrire au vu et au su de tout le monde, et même vous le devez. Oui, vous le devez, parce que cela vous coûtera peu, et me fera grand plaisir. Mais faites attention au ton que vous prendrez avec moi ; je ne suis plus le cousin qui rit ; c’était ainsi que vous m’appeliez avant de savoir mon nom ; ce temps-là est passé ; j’ai maintenant une physionomie de misanthrope à repentir, et j’ai acquis une gravité qui, j’espère, vous en imposera, à vous et à tous vos marmots, si jamais nous nous revoyons.
En attendant, contez-moi votre voyage à Paris. Allons cousine, point de paresse ; si j’écrivais comme vous, je vous enverrais des volumes de mes relations.
Je vous embrasse tous deux de tout mon cœur.

Courier


[1] Courier était lucide sur ses faibles aptitudes à gérer son patrimoine. La fin de sa vie ne le prouvera que trop.  Note1
[2] Le jour où cette lettre est écrite, Louis Armand Pigalle et son épouse Sophie avaient quatre garçons. Un bébé de sexe féminin viendra au monde en décembre 1809.  Note2
[3] Selon toute vraisemblance Duroc.  Note3

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