Paul-Louis Courier

Cronista, panflettista, polemista
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prec A sa femme A sa femme A sa femme de Paris le 3 janvier 1816 Suiv

A Madame
Madame Courier
Poste restante
A Tours
Indre-et-Loire
Vendredi à 4h ½ du soir [29 décembre 1815].

J Pierre DAUNOU Pierre Claude François DAUNOU (1761-1840)
 
e t’écris chez Haxo avec qui je vais dîner ; il n’est pas chez lui, je l’attends. J’ai pris ce matin encore un cabriolet. Je suis venu d’abord à la poste rue Plâtrière1 mettre moi-même ma lettre. De là j’ai été chez Lamaze, que j’ai étonné en lui contant que tu n’as point reçu ses lettres. Il nous en a écrit deux, je pense que tu les as maintenant. Il paye 10 000 fcs aujourd’hui à la trésorerie et aura demain le reçu qui ne se donne pas sur-le-champ. De chez Lamaze2 je suis allé rue du Marché-des-Jacobins3 chez un autre notaire faire faire un certificat de vie pour Lafarge. De là, revenu chez Lamaze que je n’avais pas trouvé d’abord. Puis je suis allé chez Haxo, il sortait ; je lui ai promis de revenir dîner. Ensuite chez M. Calmont4, rue du Paon-Blanc5, de là chez ta tante6 où je suis resté une demi-heure. Elle a eu une fluxion sur la joue ; du reste elle se porte bien. Elle t’aime beaucoup. Nous avons parlé de toi, nous sommes convenus que tu avais un caractère heureux pour toi et pour les autres par ta facilité à t’accommoder de tout. Je leur ai conté comme quoi tu n’étais point du tout ennuyée à Tours, à mon grand étonnement. Ils étaient occupés d’étrennes. Zizi était là et sa petite, qui m’a beaucoup demandé de tes nouvelles. M. Bannefroy7 y était aussi. Nous avons fort causé de mon acquisition4 qu’ils ont hautement approuvée, plaisir que je n’ai pas chez ta mère. De là je me suis fait conduire au Palais-Royal ; on a mangé des petits pâtés et lu quelques articles de gazettes. Et puis me voilà ici. Mon cabriolet m’a coûté 3 fcs 10 c.
Je n’ai pu aller chez Madame Montgolfier ; j’étais trop pressé par mes affaires, Zaza s’en est chargée. Je compte y aller demain et chez M. Lamaze. Ta lettre à Jenny9 est parfaitement bien.
J’écris à présent chez ton père, le samedi matin. J’ai trouvé hier en rentrant ta lettre du 26, mardi. L’histoire de nos lettres perdues est inconcevable. Tu fais très bien de recevoir l’argent de Paris. J’étais désolé hier au soir, quelqu’un m’a dit que j’aurais pu payer ici en papiers du gouvernement qui perdent je ne sais combien. J’en doute parce qu’il est dit dans le petit cahier imprimé qu’on m’a donné à Tours que le prix des bois sera payé en numéraire ; peut-être ai-je perdu là trois ou quatre mille francs. Mais je pense que Lamaze m’aurait averti. J’éclaircirai cela. J’ai dîné hier avec Haxo, chez un traiteur du Palais-Royal. J’y ai trouvé des gens de connaissance. Nous avons politiqué à perdre haleine. Je ne suis d’aucun parti mais comme ils ont tous raison en un certain sens, je trouve toujours moyen de m’arranger avec eux. Cependant ils m’ont appelé royaliste et mon assuré que je voyais mauvaise compagnie. Après dîner nous sommes allés à je ne sais quel café, et puis nous nous sommes promenés. Ils ont voulu m’emmener au spectacle, mais je les ai plantés là et me suis sauvé chez Visconti. Madame Visconti10 m’a beaucoup parlé de ta mère et de sa toilette qui la scandalise un peu.
Quand tu cachettes tes lettres, pense donc à placer le cachet de façon qu’il ne couvre rien de l’écriture. Je lis dans la dernière au coin de la page : ton m… ne… plus. Que veux-tu que je devine ? Cela me fait enrager.
Voilà ton père qui dit que je n’aurais pas dû payer en papier ; cela me console. Tout ce que tu me racontes du mariage de Caroline me fait plaisir. Continue à m’écrire tout ce qui te passera par la tête. Je t’écris le plus que je peux, parce que j’imagine que cela te divertira un moment dans ta solitude.
Je vais voir Lamaze pour avoir de la Trésorerie un nouveau récépissé de l’argent que j’ai donné. Ils me le promettront sans doute pour lundi car il demandera toujours du temps. Ainsi tu vois que je ne puis guère partir avant mardi. Prends patience nous irons après cela chez Madame de Lacôte. Pourquoi ne lui as-t-u point écrit ? Il fallait lui marquer que les affaires survenant à ton mari t’obligeaient de rester encore quelque temps à Tours, mais qu’aussitôt mon retour, tu partirais pour les Ouches11. Je compte aller voir demain Lucy. Ton père vient de m’apprendre la destitution de ">M. Daunou12 qui ne s’attendait pas à perdre sa place, s’étant-dit-il, déclaré à la Convention pour le parti de Louis Seize.
Point de paume ; je tiens bon. Je ne veux pas m’y remettre pour si peu de temps…
Tout le monde me dit que je suis engraissé. Je ne puis plus mettre mes petites bottes. Mon pied est grossi, comme le tien depuis ton arrivée à Tours.


[1] Disparue pour laisser place à la rue Jean-Jacques Rousseau.  Note1
[2] Jacques Beaudenom de La Maze ou Delamaze (1781-1848) était notaire à Paris depuis mai 1814.  Note2
[3] Cette rue percée en 1807 sur l'emplacement du couvent des Jacobins porta le nom de rue du Marché-des-Jacobins ; de nos jours, il s’agit de la rue du Marché-Saint-Honoré.  Note3
[4] M. Calmont était directeur général de l’Enregistrement et administrateur pour l’Indre-et-Loire.  Note4
[5] La rue du Paon-Blanc commençait au quai des Ormes (actuellement quai de l’Hôtel-de-Ville) et finissait rue de l'Hôtel-de-Ville.  Note5
[6] Il s’agit de Clémence Françoise Bannefroy (1764-1851), sœur d’Etienne Clavier.  Note6
[7] Joseph Bannefroy (1757-1817), marié à la précédente.  Note7
[8] Le 16 décembre 1815, Courier avait acheté la forêt de Larçay.  Note8
[9] Belle-fille de Mme de Montgolfier.  Note9
[10] Née vers 1760, mariée le 3 février 1785 avec Ennius Visconti, Angela Theresa Doria meurt en 1831 et est inhumée au Père-Lachaise.  Note10
[11] Ancien manoir féodal remanié au début du XVIIIe siècle, le château des Ouches se trouve à Saint-Génard, dans les Deux-Sèvres, dans le canton de Melle.  Note11
[12] Daunou Pierre Claude François (1761-1840). Membre de la Convention, député au Conseil des Cinq-Cents, membre du Tribunat, député de 1819 à 1822, de 1828 à 1834 et pair de France, né à Boulogne-sur-Mer (Généralité d'Amiens, France), le 18 août 1761, mort à Paris (Seine), le 20 juin 1840. Il était fils d'un chirurgien de Boulogne-sur-Mer, qui le fit entrer chez les oratoriens. Professeur dans cette congrégation, il publia un discours sur l'Influence littéraire de Boileau, qui fut couronné par l'Académie de Nîmes (1787) et un Mémoire sur l'origine, l'étendue et les limites de l'autorité paternelle, couronné par l'Académie de Berlin (1788).
Il se montra favorable aux idées de la Révolution, se prononça pour la constitution civile du clergé, et devint, en 1791, grand-vicaire de l'évêque constitutionnel du Pas-de-Calais. Le 9 septembre 1792, ce département l'élut membre de la Convention, le 11e et dernier. Il siégea parmi les modérés, protesta contre la mise en jugement de Louis XVI.
Il est nommé membre de l'Institut le 29 brumaire an IV (20 nov. 1795) et entre le 23 vendémiaire suivant (14 octobre 1796), au Conseil des Cinq-Cents. Il en devient secrétaire puis président.
En 1807, il est nommé archiviste de l'Empire, et censeur impérial en 1810 ; menacé, en décembre 1815, par M. de Vaublanc d'être remplacé aux Archives, il écrit au ministre qu'« il lui attribuait des opinions qu'il n'avait jamais eues ». Malgré cette défense, il est destitué.
Sa carrière politique et littéraire continue, même sous la monarchie de Juillet puisqu’il est Officier de la Légion d'honneur le 1er mai 1831, membre de l'Académie des sciences morales et politiques en 1832, secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions et belles-lettres en 1838 et pair de France le 7 novembre 1839.  Note12

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