Paul-Louis Courier

Korrespondent, Pamphletist, Hellenistische
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prec A sa femme de Tours le 28 janvier 1916 A sa femme A sa femme de Tours le 2 février 1816 Suiv

Tours le 30 janvier 1816.

T tas_de_bois.jpg es lettres me ravissent. Tu as bien raison de dire qu’il ne faut point d’économie sur cet article. Le plaisir qu’elles me font ne peut se comparer aux dix sous qu’elles me coûtent.
J’ai vu I…1 Sa maison est bien ce qu’il nous faudrait. Elle est plus simple que je ne l’aurais cru en la voyant de loin. Il dit qu’il ne veut point la vendre. Cependant il me l’a fait voir dans le plus grand détail, et il me la vantait du ton d’un homme qui veut faire valoir sa marchandise. Moi je l’ai fort approuvé de ne point vouloir s’en défaire, et j’ai refusé de voir les appartements qu’il voulait aussi me montrer. C’est l’histoire de Vaslin. Il s’est mis en tête que je voulais avoir sa maison.
Demain je fais encore une course à Larçay, et puis une autre à Luynes pour mes marchands de bois, qui finalement se moquent de moi. Je m’en vais leur lâcher des huissiers, ce qui ne m’est jamais arrivé, sans compter un procès-verbal que je vais faire du dommage causé à mes bois. Je ne veux plus, ma foi, passer pour un benêt, et je vais leur montrer les dents. Je dis comme Madame Pimbêche : Ces coquins viendront nous manger jusqu’à l’âme, et nous ne dirons mot 21 Ils vont me trouver bien changé. Ils t’attribueront ce changement ; tu ne seras pas aimée de tes vassaux. Tu as pourtant une grande réputation dans le pays. Tu passes pour une beauté parfaite. Heureux ceux qui t’ont vue ! A propos de beauté, un de nos fermiers a un fils qui passe pour le plus beau garçon du pays. Il est blond et a 18 ans. Ce ne sont point ces gros traits des Anglais et des Allemands. Sa tête est toute grecque. Il est loin de s’en douter, et cela donne une grâce et un naturel que n’ont point vos messieurs de Paris. Avec sa blouse et ses sabots, il a tout a fait l’air d’Apollon chez Admète3.
Quand je serai revenu de Luynes, il faudra retourner à Larçay pour mes impositions. Tu vois quelle vie. Je me donne au diable, mais j’espère que cela finira. Le pis est que je ne peux m’occuper d’aucune étude, et que j’ai beaucoup de moments où je ne sais que faire. Alors je meurs d’ennui. J’ai trop ou trop peu d’occupations.
Je t’entretiens de mes sottes affaires qui ne peuvent que t’ennuyer. Il vaut mieux répondre à tes lettres. Je suis bien aise que tu aies remarqué le monsieur en pantoufles. Rien n’est plus choquant, je t’assure.

Je veux croire qu’au fond il ne se passe rien ;
Mais enfin on en cause, et cela n’est pas bien.
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Je trouve que tu fais trop d’avance à ces gens qui n’y répondent pas. Il faut se garder d’être dupe en amitié, c’est-à-dire d’y mettre trop du sien. On joue un mauvais personnage.
Tu peins madame S. C’est une pauvre étude et un maigre sujet, mais cela vaut mieux que de ne rien faire. Je ne m’étonne pas que tu aies de la peine à te mettre au travail. J’éprouverais la même chose. Nous nous prêcherons l’un l’autre. J’ai des projets admirables, et je les exécuterai en dépit de la paume5.


[1] Isambert.  Note1
[2] Vers inspirés de la scène 7 de l’acte I de la pièce de Racine, Les Plaideurs.  Note2
[3] Roi de Phères en Thessalie, Admète porta secours à Apollon. Chassé de l'Olympe pour avoir tué les Cyclopes, le dieu dut se mettre au service d'un mortel pendant une année entière. Il devint bouvier pour le roi Admète dont il fit prospérer le troupeau : toutes les génisses mirent bas deux veaux en une seule portée et les loups se tinrent éloignés du troupeau comme par magie. Ayant montré une grande générosité pour Apollon, celui-ci l'aida à obtenir la main de sa fiancée Alceste.  Note3
[4] Vers prononcés par Mme Pernelle dans la scène 1 du premier acte du Tartuffe.  Note4
[5] Courier fut depuis son adolescence un pratiquant passionné du jeu de paume, ancêtre de la pelote basque comme du tennis. A l’époque de Courier, Tours comptait une petite dizaine de salles de ce jeu. La balle avait pour nom l’éteuf et le joueur un paumier ou un paumiste. Le lieu couvert où se pratiquait le jeu de courte paume (par opposition à la longue paume pratiquée en plein air), s’appelait le tripot, nom à l’origine du verbe « tripoter ».  Note5

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