Paul-Louis Courier

Cronista, panflettista, polemista
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Un poème de Clovis Hugues

Paul-Louis Courier

Ah ! s’il est un spectacle austère,
C’est quand un peuple doux et fort,
Cherchant le petit coin de terre
Où l’un de ses grands hommes dort,

Sur ce qui reste de ce Juste,
Sur ce mort qui fut un martyr
Fait grandir quelque tomba auguste
D’où l’on voit des rayons sortir

- Pour qui ces couronnes de pierre ?
Pour qui ces branches de laurier
Flottant dans l’immense lumière ?
- C’est ton tour, Paul-Louis Courier !

C’est ton tour d’avoir une tombe,
Un monument éblouissant,
Où la rosée humide tombe
Avec les regrets du passant !

Divin bâtard de l’Ionie
Adopté par l’esprit gaulois,
Saint apôtre de l’Ironie,
Rieur accablé par les lois.

Modeste émondeur de ta vigne,
Superbe émondeur des pouvoirs,
A qui Rabelais faisait signe
De démasquer les hommes noirs ;

Toi qui, gonflé de sève ardente,
La tête haute, le cœur plein,
Pouvant t’indigner comme Dante,
Méditais comme Poquelin ;

Toi qui voulais que sur les places
Le prêtre qui proscrit l’amour
Laissât danser les populaces
Au son du fifre et du tambour :

Toi qui, montrant dans le silence
Mingrat aux genoux de ses sœurs,
Demandais que l’on eût en France
Moins de forçats, plus de valseurs ;

Toi que jamais on ne fit taire,
O penseur dont la plume mord,
O petit-fils du vieux Voltaire,
O frère aîné de Rochefort,

Salut ! – Dans les temps où nous sommes
Ton esprit manque à nos esprits :
Comme sur nos petits grands hommes
Tomberait ton large mépris !

L’œil vitreux et l’âme troublée,
Buffet deviendrait violet,
Piqué de ta plume effilée
Comme la pointe d’un stylet.

Et qui sait ? Tes justes colères
Peut-être frapperaient au front
L’un des orateurs populaires
Qui sur ta tombe parleront.

Que n’étais-tu dans ta Touraine
Entre tes ceps et tes pruniers,
Alors qu’une fois par semaine
Doncieux nous faisait prisonniers,

Quand Messieurs les maires honnêtes
A coups de scrutin préparés
Faisaient de l’ordre dans les têtes
De leurs blêmes administrés,

Quand Baragnon dictait ses rôles
A l’acteur Guigues de Champvans,
Et qu’on avait sur les épaules
Des tas de petits Espivents !

Courier, tu dors lorsqu’on t’appelle ;
Mais il nous reste les sillons
Tracés dans les airs par ton aile…
C’est pour cela que nous voyons,

Au-dessus du peuple immobile
Saluant ton nom immortel,
Le large chapeau de Basile
Ballotté par le vent du ciel.

Cavaillon, le 30 juin 1876
Clovis Hugues





Clovis Hugues
Clovis Hugues
 



N é à Ménerbes (Vaucluse) le 3 novembre 1851, Clovis Hugues était fils d’un modeste meunier. Adolescent, il connut à Marseille la vie besogneuse d’un employé de bureau à vingt francs par mois. En 1868, Gustave Naquet le fait entrer à la rédaction du Peuple. Il y mènera un combat sans concession contre le second Empire. Après la chute de ce dernier, ses engagements au sein de la Commune de Marseille et ses activités journalistiques le conduiront devant le Conseil de guerre permanent de la 9e Division militaire siégeant à Marseille. Il fut condamné à quatre ans d’incarcération et 6 000 francs d’amende. Il ne sortira de prison que le 19 juin 1875.
Député d’extrême-gauche sous la IIIe République, il combattit la politique de Jules Ferry puis, changeant d’orientation, se fit partisan du général Boulanger. Il mourut à Paris le 11 juin 1907. Il écrivit son hommage à Courier quand fut posée à Véretz la première pierre du monument conçu par Viollet-le-Duc.

Ménerbes (Vaucluse)
Ménerbes (Vaucluse)
 
Jules Ferry
Jules Ferry
 
Général Boulanger
Général Boulanger
 

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